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ce que c’est que l’utilitarisme

le permet la nature des choses, à toute la création sentante.

Contre cette doctrine s’élève alors toute une classe d’adversaires qui disent que le bonheur sous aucune forme ne peut être le but rationnel de la vie humaine : premièrement parce que ce but est inaccessible ; et ils ajoutent « quel droit avez-vous d’être heureux ? » question à laquelle M. Carlyle ajoutait celle-ci : « quel droit avez-vous même d’être après que vous avez dépensé un court moment de vie ? » – Deuxièmement, parce que l’homme peut vivre sans bonheur, que toutes les nobles créatures l’ont senti, et n’ont acquis leur noblesse qu’en apprenant la leçon d’Entsagen ou le renoncement ; leçon qui, apprise et acceptée, est, à ce qu’on affirme, le commencement et la condition nécessaire de toute vertu.

Si la première de ces assertions était vraie, elle attaquerait la base même de la théorie utilitaire. Car si le bonheur ne peut pas être atteint par les hommes, sa conquête ne peut être le but de la morale ou d’une conduite rationnelle. Cependant, même dans ce cas, on pourrait dire quelque chose en faveur de l’utilitarisme. L’utilité ne comprend pas seulement la poursuite du bonheur, mais encore la préservation ou l’adoucissement du malheur. Si la première aspi-