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ce que c’est que l’utilitarisme

a pas d’autre tribunal à consulter sur la question de quantité. Comment déterminerait-on l’intensité de deux souffrances si l’on ne s’en rapportait pas à ceux qui sont familiers avec les deux sensations différentes ? Les souffrances et les plaisirs ne sont pas homogènes, et la souffrance est toujours hétérogène avec le plaisir. Qui décidera si un plaisir particulier vaut la peine d’être acquis au prix d’une souffrance particulière, si ce n’est ceux qui en ont fait l’expérience ? Et si, après expérience, ces mêmes personnes déclarent que le plaisir procuré par l’exercice des facultés élevées est préférable en espèce, en dehors de la question d’intensité, à ceux de la nature animale, pourquoi ne pas leur accorder sur ce point la même confiance que sur les autres ?

J’ai insisté sur ce point afin que la conception de l’utilité ou du bonheur, comme règle propre à la conduite de la vie, fut parfaitement juste. Cependant il n’est pas nécessaire pour accepter le principe utilitaire : car ce principe n’est pas seulement celui du plus grand bonheur de l’agent, mais encore celui du plus grand bonheur total et général. Et si l’on peut douter qu’un noble caractère soit toujours heureux à cause de sa noblesse, on ne peut douter qu’il ne rende les autres hommes plus heureux et que