Page:Mill - L'Utilitarisme.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
rapport entre l’utilité et la justice

principe n’est pas juste dans le cas particulier. Par cet artifice commode de langage, nous sauvegardons le caractère absolu attribué à la justice, et nous ne sommes pas forcés de dire qu’il peut y avoir des injustices louables.

Les considérations que nous venons de présenter résolvent, je crois, la seule véritable difficulté que présente la théorie utilitaire de la morale. Tous les cas de justice, c’est évident, sont aussi des cas d’utilité ; la différence entre les deux réside dans le sentiment particulier qui s’attache aux premiers en opposition avec les seconds. Si l’on tient suffisamment compte de ce sentiment caractéristique, s’il n’est pas nécessaire de lui assigner une origine particulière, s’il est simplement le sentiment naturel de la vengeance rendu moral par son alliance avec le désir du bien social, et si ce sentiment non seulement existe mais doit exister dans tous les cas auxquels correspond l’idée de la justice, cette idée ne se présente plus comme la pierre d’achoppement de la morale utilitaire. La justice reste le nom approprié à certaines utilités sociales qui sont de beaucoup plus importantes, et par conséquent plus absolues, plus impératives que toutes les autres dans leur ensemble (quoique ces autres puissent l’être