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rapport entre l’utilité et la justice

de sérieux motifs pour imposer à tous. En se donnant simplement des instructions ou exhortations de prudence, les hommes ne gagneraient rien ; ils ont incontestablement intérêt à inculquer à tous le devoir de la bienfaisance positive, mais cependant cet intérêt n’est pas encore universel ; une personne peut n’avoir pas besoin des bienfaits des autres, tandis qu’elle a toujours besoin que les autres ne lui nuisent pas. Ainsi la morale qui protège l’individu directement en lui évitant d’être atteint par autrui, ou indirectement en sauvegardant sa liberté et en lui permettant de chercher le bonheur, est la morale qui doit tenir le plus au cœur de l’homme, celle qu’il a le plus grand intérêt à professer et à renforcer par la parole et par l’action. C’est par l’observance de cette morale qu’une personne est jugée en état de faire partie de la société ; car de cette observance dépend le décret qui la juge nuisible ou utile à ses semblables. Ce sont ces règles premières de justice morale qui forment les obligations de justice. Les cas d’injustice les plus saillants, ceux qui excitent le plus la répugnance générale, sont les actes d’agression non justifiés, ou les actes arbitraires d’autorité ; les actions les plus nuisibles sont ensuite celles qui consistent à ne pas rendre ce qui est dû ; dans ces deux cas on