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OBÉRON.

Vous voulez être femme, Oriane ! Ces vœux
Sont indignes de vous ! Comment ! vous êtes fée
Vous passez dans le soir, lumineuse et coiffée
De rayons ; vous cueillez toutes les fleurs du ciel,
Vous saccagez, comme un enfant voleur de miel,
Le nuage rempli de clarté savoureuse !
Et puis, vous voulez être, hélas ! quelque amoureuse
Quelque fille rôdant le soir furtivement
Dans l’ombre des chemins, au bras de son amant,
Et vous vous éprendrez, ô ma blanche Oriane ;
Comme Titania, d’un rustre à tête d’âne !

ORIANE, très grave.

Aucun philtre, ô mon roi, n’a troublé ma raison.
Moi, déchoir ! Non:Je suis de trop noble maison
Étant née, un printemps, d’une perle enchantée;
Mais vous ne m’avez pas, sire, assez écoutée.
Car je veux apparaître, un seul jour, un moment,
Pour qu’un enfant plaintif m’appelle éperdûment
Et pleure de me voir…

Suppliante.

Et pleure de me voir…Un seul jour ! Que t’importe ?
Puis il me verra fuir comme une étoile morte
Qui s’engloutit dans la tristesse de la mer.
Et, son cœur gardera comme un parfum amer
Le souvenir mortel de ma lèvre illusoire.

OBÉRON.

Va ! mais garde ce cor d’argent pâle et d’ivoire,
Si l’enfant prisonnier de ta jeune splendeur
Troublait ton cœur sacré d’une mauvaise ardeur,
Si ton front rougissait d’une aurore charnelle
Appelle-moi. Sinon tu seras l’éternelle
Exilée. À jamais, avec des sanglots vains,
Femme tu pleureras loin des palais divins.
Mais quand tu voudras fuir la honte de la terre,
N’importe où tu seras, dans le val solitaire,