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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

lent, le 11 du même mois : le clergé s’y opposa d’abord, mais il eut ensuite le bon esprit d’y consentir. L’archevêque de Paris abandonna les dîmes, au nom de tous ses confrères, et par cet acte de prudence, il se montra fidèle à la conduite des privilégiés dans la nuit du 4 août ; mais ce fut le terme de ses sacrifices.

Peu de temps après, la discussion commença sur la propriété des biens ecclésiastiques. L’évêque d’Autun, Talleyrand, proposa au clergé d’y renoncer en faveur de la nation, qui les emploierait à l’entretien des autels et au paiement de sa dette. Il prouva la justice et la convenance de cette mesure ; et il montra les grands avantages qui en résulteraient pour l’état. Les biens du clergé s’élevaient à plusieurs milliards ; en se chargeant de ses dettes, du service ecclésiastique, de celui des hôpitaux, de la dotation de ses ministres, il restait encore de quoi éteindre toutes les rentes publiques, tant perpétuelles que viagères, et de quoi rembourser le prix des offices de judicature. Le clergé se souleva contre cette proposition. La discussion fut très vive ; et l’on décida, malgré sa résistance, qu’il n’était pas propriétaire, mais simple dépositaire des biens consacrés aux autels par la piété des rois ou des fidèles, et que la nation, en fournissant au service, devait rentrer dans les biens. Le décret qui les mit à sa disposition fut porté le 2 décembre 1789.

Dès lors éclata la haine du clergé contre la révolution. Il avait été moins intraitable que la noblesse au commencement des états-généraux, pour sauver ses richesses ; depuis, il se montra aussi opposé qu’elle au nouveau régime, dont il devint l’ennemi le plus tenace et le plus acharné. Cependant, comme le décret mettait les biens ecclésiastiques à la disposition de la nation sans les dénaturer encore, il n’éclata pas de suite. L’administration ne cessa pas de lui en être confiée, et il espéra qu’ils serviraient d’hypothèque à la dette, mais qu’ils ne seraient point vendus.

Il était difficile en effet de consommer cette vente, qui ne pouvait cependant pas être retardée, le trésor ne subsistant