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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

Mais cette ressource n’avait produit qu’un soulagement momentané. Les finances de la révolution dépendaient d’une mesure plus hardie et plus vaste ; il fallait non seulement faire subsister la révolution, mais encore combler l’immense déficit qui retardait sa marche et menaçait son avenir. Il ne restait qu’un moyen, celui de déclarer nationales les propriétés ecclésiastiques, et de les vendre à la décharge de l’état. L’intérêt public le prescrivait ainsi, et on le pouvait en toute justice, le clergé n’étant pas propriétaire, mais simple administrateur de ces biens, qui avaient été donnés au culte, et non aux prêtres. La nation, en se chargeant des frais de l’autel et de l’entretien de ses ministres, pouvait donc se les approprier, se procurer par là une ressource financière importante, et obtenir un grand résultat politique.

Il importait de ne plus laisser dans l’état de corps indépendant, et surtout ancien ; car, en temps de révolution, tout ce qui est ancien est ennemi. Le clergé, par sa formidable hiérarchie et son opulence, étranger aux changements nouveaux, se serait maintenu en république dans le royaume. Cette forme convenait à un autre régime : lorsqu’il n’y avait pas d’état, mais seulement des corps, chaque ordre avait pourvu à son organisation et à son existence. Le clergé avait ses décrétales, la noblesse sa loi des fiefs, le peuple ses municipalités ; tout était indépendant, parce que tout était privé. Mais aujourd’hui que les fonctions devenaient publiques, il convenait de faire du sacerdoce une magistrature, comme on l’avait fait de la royauté ; et, pour les rendre dépendants de l’état, il fallait les faire salarier par lui, et reprendre au monarque ses domaines, au clergé ses biens, en affectant à l’un et à l’autre des dotations convenables. Voici comment fut conduite cette grande opération qui détruisit l’ancien régime ecclésiastique.

Un des besoins les plus pressants était l’abolition des dîmes. Comme c’était un impôt payé au clergé par le peuple des campagnes, le sacrifice devait tourner au profit de ceux qui en étaient écrasés. Aussi, après les avoir déclarées rachetables, dans la nuit du 4 août, on les supprima, sans équiva-