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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

les domestiques au Louvre. Mais c’était dans le jardin du Palais-Royal surtout qu’avaient lieu les discussions les plus animées ; on y examinait les matières qui occupaient les débats de l’assemblée nationale, et l’on y contrôlait ses discussions. La disette occasionnait aussi des attroupements, et ceux-là n’étaient pas les moins dangereux.

Tel était l’état de Paris lorsque la discussion sur le veto fut entamée. La crainte qu’excita ce droit accordé au roi fut extrême ; on eût dit que le sort de la liberté était attaché à cette décision, et que le veto ramènerait seul à l’ancien régime. La multitude, qui ignore la nature et les limites des pouvoirs, voulait que l’assemblée, en qui elle se confiait, pût tout, et que le roi, dont elle se défiait, ne pût rien. Tout instrument laissé à la disposition de la cour paraissait un moyen contre-révolutionnaire. Le Palais-Royal s’agita ; des lettres menaçantes furent écrites aux membres de l’assemblée qui, tels que Mounier, s’étaient déclarés pour le veto absolu ; on parla de les destituer comme des représentants infidèles, et de marcher sur Versailles. Le Palais-Royal envoya une députation à l’assemblée, et fit demander à la commune de déclarer les députés révocables, et de les rendre en tout temps dépendants des électeurs. La commune fut ferme, repoussa les demandes du Palais-Royal, et prit des mesures pour empêcher les attroupements. La garde nationale la seconda ; elle était fort bien disposée, Lafayette avait acquis sa confiance, elle commençait à être organisée, elle portait l’uniforme, elle se formait à la discipline, dont les gardes-françaises lui donnaient l’exemple, et elle apprenait de son chef l’amour de l’ordre et le respect pour la loi. Mais la classe moyenne, qui la composait, n’avait pas encore exclusivement pris possession du gouvernement populaire. La multitude enrôlée le 14 juillet n’était pas tout à fait éconduite. L’agitation du dehors rendit orageux les débats sur le veto ; une question fort simple acquit par là une très grande importance, et le ministère voyant combien l’effet d’une décision absolue pourrait être funeste, sentant d’ailleurs que par le fait le veto illimité et le veto suspensif