Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
74
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

être même pour détruire le régime nouveau. On voulut donc opposer à une autorité toujours active une assemblée toujours subsistante, et l’on décréta la permanence du corps législatif. Quant à son indivisibilité ou à son partage, la discussion fut très animée. Necker, Mounier, Lally-Tollendal voulaient, outre une chambre de représentants, un sénat dont les membres seraient nommés par le roi sur la présentation du peuple. Ils pensaient que c’était le seul moyen de modérer la puissance, et même d’empêcher la tyrannie d’une seule assemblée. Ils avaient pour partisans quelques membres qui partageaient leurs idées, ou qui espéraient faire partie de la chambre haute. La majorité de la noblesse aurait voulu, non une pairie, mais une assemblée aristocratique dont elle aurait élu les membres. Ils ne purent pas s’entendre, le parti Mounier se refusant à un projet qui aurait ressuscité les ordres, et les aristocrates rejetant un sénat qui confirmait la ruine de la noblesse. Le plus grand nombre des députés du clergé et des communes était pour l’unité de l’assemblée. Il paraissait illégal au parti populaire de constituer des législateurs à vie : il croyait que la chambre haute servirait d’instrument à la cour et à l’aristocratie, et serait dès lors dangereuse, ou bien deviendrait inutile en se réunissant aux communes. Ainsi le parti nobiliaire par mécontentement, le parti national par esprit de justice absolue, rejetèrent également la chambre haute.

Cette détermination de l’assemblée a été l’objet de beaucoup de reproches. Les partisans de la pairie ont attribué tous les maux de la révolution à son absence : comme s’il eût été possible à un corps, quel qu’il fût, d’arrêter sa marche ! Ce n’est point la constitution qui lui a donné le caractère qu’elle a eu, ce sont les événements occasionnés par la lutte des partis. Qu’eût fait la chambre haute entre la cour et la nation ? Déclarée en faveur de la première, elle ne l’eût ni conduite ni sauvée ; en faveur de la seconde, elle ne l’eût pas renforcée, et, dans les deux cas, sa suppression était infaillible. On va vite en pareil temps, et tout ce qui arrête est de trop. En Angleterre, la chambre des lords, quoiqu’elle se montrât très docile, fut