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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

donner aux citoyens le sentiment de leur dignité et de leur importance. Sur la proposition de Lafayette, l’assemblée avait déjà commencé cette discussion, que les événements de Paris et les décrets du 4 août l’avaient forcée d’interrompre ; elle la reprit alors et la termina, en consacrant des principes qui servirent de table à la nouvelle loi, et qui étaient la prise de possession du droit au nom de l’humanité.

Ces généralités étant adoptées, l’assemblée s’occupa de l’organisation du pouvoir législatif. Cet objet était un des plus importants ; il devait fixer la nature de ses fonctions, et établir ses rapports avec le roi. Dans cette discussion, l’assemblée allait uniquement décider de l’état à venir du pouvoir législatif. Quant à elle, revêtue de l’autorité constituante, elle était placée au-dessus de ses propres arrêtés, et aucun pouvoir intermédiaire ne devait suspendre ou empêcher sa mission. Mais quelle serait pour les sessions futures la forme du corps délibérant ? Demeurerait-il indivisible ou se décomposerait-il en deux chambres ? Dans le cas où cette dernière forme prévaudrait, quelle serait la nature de la seconde chambre ? En ferait-on une assemblée aristocratique ou un sénat modérateur ? Enfin, le corps délibérant, quel qu’il fût, serait-il permanent ou périodique, et le roi partagerait-il avec lui la puissance législative ? Telles furent les difficultés qui agitèrent l’assemblée et Paris pendant le mois de septembre.

On comprendra facilement la manière dont ces questions furent résolues, si l’on considère la position de l’assemblée et les idées qu’elle avait sur la souveraineté. Le roi n’était à ses yeux qu’un agent héréditaire de la nation, auquel ne pouvait appartenir ni le droit de convoquer ses représentants, ni celui de les diriger, ni celui de les suspendre. Aussi lui refusa-t-elle l’initiative des lois et la dissolution de l’assemblée. Elle ne pensait pas que le corps législatif dût être mis dans la dépendance du roi. D’ailleurs, elle craignait qu’en accordant au gouvernement une action trop forte sur l’assemblée, ou en ne tenant pas celle-ci toujours réunie, le prince ne profitât des intervalles où il serait seul pour empiéter sur les autres pouvoirs, et peut-