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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

chambres. Les modérés n’avaient pas pu obtenir ce gouvernement de la cour ; ils ne devaient pas l’obtenir davantage de la nation : à l’une il avait paru trop populaire, pour l’autre il était trop aristocratique.

Le reste de l’assemblée formait le parti national. On n’y remarquait pas encore les hommes qui, tels que Robespierre, Pétion, Buzot, etc., voulurent plus tard commencer une seconde révolution, lorsque la première fut achevée. À cette époque, les plus extrêmes de ce côté étaient Duport, Barnave et Lameth, qui formaient un triumvirat dont les opinions étaient préparées par Duport, soutenues par Barnave, et dont la conduite était dirigée par Alex. Lameth. Il y avait quelque chose de très remarquable et qui annonçait l’esprit d’égalité de l’époque, dans l’union intime d’un avocat, appartenant à la classe moyenne, d’un conseiller, appartenant à la classe parlementaire, d’un colonel, appartenant à la cour, qui renonçaient aux intérêts de leur ordre pour s’associer dans des vues de bien public et de popularité. Ce parti se plaça d’abord dans une position plus avancée que celle où la révolution était parvenue. Le 14 juillet avait été le triomphe de la classe moyenne : la constituante était son assemblée ; la garde nationale, sa force armée ; la mairie, son pouvoir populaire. Mirabeau, Lafayette, Bailly s’appuyèrent sur cette classe, et en furent, l’un le tribun, l’autre le général, l’autre le magistrat. Le parti Duport, Barnave et Lameth avait les principes et soutenait les intérêts de cette époque de la révolution ; mais, composé d’hommes jeunes, d’un patriotisme ardent, qui arrivaient dans les affaires publiques avec des qualités supérieures, de beaux talents, des positions élevées, et qui, à l’ambition de la liberté, joignaient celle du premier rôle, ce parti se plaça dès les premiers temps un peu en avant de la révolution du 14 juillet. Il prit son point d’appui, dans l’assemblée, sur les membres de l’extrême gauche ; hors de l’assemblée, sur les clubs ; dans la nation, sur la partie du peuple qui avait coopéré au 14 juillet, et qui ne voulait pas que la bourgeoisie seule profitât de la victoire. En se mettant à la tête de ceux qui n’avaient pas de