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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

rer sur ses intentions. Cette nouvelle causa d’abord des transports de joie. Mais Mirabeau représenta à ses collègues qu’il ne convenait point de s’abandonner à des applaudissements prématurés. « Attendons, dit-il, que Sa Majesté nous fasse connaître les bonnes dispositions qu’on nous annonce de sa part. Le sang de nos frères coule à Paris. Qu’un morne respect soit le premier accueil fait au monarque par les représentants d’un peuple malheureux : le silence des peuples est la leçon des rois. » L’assemblée reprit l’attitude sombre qu’elle n’avait pas quittée depuis trois jours. Le roi parut sans gardes, et sans autre cortége que celui de ses frères. Il fut d’abord reçu dans un profond silence ; mais lorsqu’il eut dit qu’il n’était qu’un avec la nation, et que, comptant sur l’amour et sur la fidélité de ses sujets, il avait donné ordre aux troupes de s’éloigner de Paris et de Versailles ; lorsqu’il eut prononcé ces mots touchants : Eh bien ! c’est moi qui me fie à vous, des applaudissements généraux se firent entendre ; l’assemblée, par un mouvement spontané, se leva tout entière, et le reconduisit au château.

Cette nouvelle répandit l’allégresse à Versailles et à Paris, où le peuple rassuré passa subitement de l’animosité à la reconnaissance. Louis XVI, rendu à lui-même, sentit combien il lui importait d’aller en personne apaiser la capitale, de reconquérir son affection, et de se concilier ainsi la puissance populaire. Il fit annoncer à l’assemblée qu’il rappelait Necker, et qu’il se rendrait le lendemain à Paris. L’assemblée avait déjà nommé une députation de cent membres, qui précéda le roi dans la capitale. Elle fut accueillie avec enthousiasme. Bailly et Lafayette, qui en faisaient partie, furent nommés, l’un maire de Paris, l’autre commandant de la garde bourgeoise. Ils durent ces récompenses populaires, Bailly à sa longue et difficile présidence de l’assemblée, Lafayette, à sa conduite glorieuse et patriotique. Ami de Washington, et l’un des principaux auteurs de l’indépendance américaine, il avait, de retour dans sa patrie, prononcé le premier le nom des états-généraux, s’était réuni à l’assemblée avec la minorité de la no-