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RÈGNE DE LOUIS-PHILIPPE.

nir, comme s’il lui eut suffi de vaincre pour être désormais affranchie de la nécessité du travail et de toute chance de misère. Ceux qui n’ont combattu que dans le fol espoir d’arriver à ce but, se persuadent bientôt que rien n’est changé, parce qu’ils n’ont pu l’atteindre : et, incapables d’apprécier par eux-mêmes la différence des temps et des circonstances, ils regardent comme d’autant plus facile de renverser un gouvernement nouveau, qu’il a suffi d’un effort pour briser celui qui était consacré par une longue existence : l’émeute alors descend en armes sur les places publiques. Il était donc inévitable que la royauté nouvelle rencontrât bientôt une vive opposition, et aucun autre gouvernement peut-être n’eut à soutenir de plus nombreuses et de plus violentes attaques. Quelque jugement que l’on soit d’ailleurs en droit de porter sur ses actes, son mérite incontestable est d’avoir cherché la force là où sont en effet les forces vives et intelligentes de la nation, au sein des classes moyennes, et d’avoir préféré la consolidation de l’ordre au dedans et l’affermissement de la paix au dehors aux avantages incertains d’une guerre générale, qui aurait pu mettre en péril la civilisation du monde. La France, depuis sept ans, s’est résignée sans doute à de douloureux sacrifices ; mais elle n’en a fait aucun qu’elle ne puisse avouer, et si elle a été plusieurs fois blessée dans ses affections et ses sympathies par les événements qui ont ensanglanté diverses contrées de l’Europe, elle ne l’a point été dans son honneur. L’entrée de nos troupes sur le territoire belge en 1831, le siège de la citadelle d’Anvers, la prise de possession d’Ancône, l’extension donnée à nos conquêtes en Afrique, faits accomplis malgré le vœu de la plupart des puissances étrangères, témoignent suffisamment que l’honneur national est sauf, et que le drapeau tricolore a encore une fois tenu l’Europe en respect. Les peuples comme les individus ont une conscience, et il y a des temps où, semblable au rayon de soleil qui perce les plus sombres nuages, la vérité se fait jour à travers les préjugés et les passions des partis. Jamais la conscience publique n’a parlé avec plus d’énergie qu’après les horribles attentats de juillet