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RÈGNE DE LOUIS-PHILIPPE.

Cependant il était à craindre que l’union maintenue entre les citoyens de l’immense capitale, pendant la lutte, ne se brisât au moment où ils allaient choisir un gouvernement nouveau. Les uns désiraient la république ; mais la sanglante image de la convention apparaissait entre leurs vœux et ceux de la France ; les autres, et c’était l’immense majorité, souhaitaient le maintien des formes représentatives : mais pour qu’elles fussent conservées, il fallait qu’il se rencontrât un homme qu’une position particulière élevât au-dessus de tous, et qui eût donné des gages incontestables de son dévouement aux libertés publiques. Cet homme existait : la France le possédait dans la personne du duc d’Orléans. Bien jeune encore à l’époque de la révolution, ce prince avait adopté les couleurs nationales et combattu aux premières grandes journées où s’illustrèrent nos armes. Proscrit, il ne s’était point présenté à l’étranger en suppliant, ou en auxiliaire contre son pays ; il avait su conserver, à l’aide de ses talents, une honorable indépendance. Rétabli dans ses titres et dignités, il brava seize ans les froideurs de la cour et fit donner à ses fils une éducation populaire ; il avait été l’ami de Foy, et l’était encore des hommes éminents de la littérature, de la science et de la tribune. Arraché par les Parisiens à sa délicieuse retraite et à toutes les douceurs de la vie de famille, il cède à leurs désirs, il entre dans la ville aux acclamations du peuple victorieux, et est proclamé lieutenant-général du royaume.

Les députés, convoqués par Charles X pour le 3 août, étaient arrivés en grand nombre et donnèrent leurs premiers soins à la révision de la charte, dont plusieurs articles, depuis longtemps condamnés par l’opinion, furent modifiés ou supprimés. C’est ainsi que la religion catholique cessa d’être reconnue pour celle de l’état, et que le fameux article 14 disparut de la charte nouvelle : la liberté de la presse fut irrévocablement établie dans cette charte par l’abolition de la censure ; les chambres eurent, comme le monarque, l’initiative dans la présentation des projets de loi ; il fut arrêté qu’il ne pourrait plus être créé de commissions et de tribunaux extraordinai-