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RÈGNE DE CHARLES X.

tience et d’irritation profonde à la majorité de l’assemblée. Le roi se trompa sur les causes réelles des exigences de la gauche. Il regardait son conseil comme l’expression véritable du parti constitutionnel, et se plut à répéter qu’aucun ministère, aucune concession de la couronne ne seraient capables de satisfaire les libéraux : il espéra que le moment viendrait où les ministres, qu’il croyait lui avoir été imposés par l’opinion publique, seraient condamnés par elle, et qu’il trouverait, dans leur chute populaire, un motif ou un prétexte pour revenir à des élus de son choix.

Charles X fit à cette époque un voyage dans les départements de l’Est : l’accueil favorable des populations toujours avides de voir un roi l’abusa sur les dispositions de l’esprit public, et un échec du ministère à la chambre le confirma dans l’intention d’exécuter ses desseins funestes. Deux importants projets de loi, l’un sur l’organisation des conseils municipaux, l’autre sur celle des conseils d’arrondissement et de département, avaient été présentés à la chambre des députés. L’extrême droite, en haine des ministres, oublia ses doctrines de 1815 sur les franchises locales ; elle repoussa les projets ministériels comme trop démocratiques, et s’entendit avec le côté gauche, dont ils satisfaisaient imparfaitement les vœux, pour les condamner, avant même que la discussion fût ouverte : la chambre ne tint pas compte au ministère des difficultés de sa position, et celui-ci retira brusquement les deux projets. La cour triompha de cette disgrâce du cabinet ; Charles X arrêta dès lors dans sa pensée la dissolution de son conseil, et, le 8 août 1829, après le vote du budget de 1830, et la clôture de la session, parut l’ordonnance qui créait le nouveau ministère.

Trois hommes marquants, le prince de Polignac, MM. de la Bourdonnaie et de Bourmont, furent inscrits sur la liste, comme un défi jeté à la France. Le premier, doué d’ailleurs des plus estimables qualités, était l’expression vivante du parti congréganiste ; le second représentait, en ce qu’elle avait de plus violent, la chambre impopulaire de 1815 ; le troisième, ancien chef de chouans, n’était connu du peuple et de l’armée