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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

le narrateur ne perde jamais de vue la source d’où ils ont jailli ; il faut qu’il se dise à lui-même que les vœux populaires n’ont pas toujours été inspirés par des motifs désintéressés, généreux, sincèrement patriotiques, à tous les hommes dont les cœurs s’y sont associés, et aussi, que les actes que l’opinion publique a justement condamnés, et dont les résultats ont été si désastreux, n’ont pas tous été conçus dans des pensées de haine et de colère : il reconnaîtra sans doute, alors, que plusieurs de ces actes, fruits d’une erreur déplorable, ont pris naissance dans les sentiments qui honorent le plus l’humanité. Ces considérations sont particulièrement applicables à Charles X : rempli de préjugés et attaché de cœur à l’ancien régime sous le nouveau, roi catholique et pieux, à une époque où le catholicisme excitait beaucoup plus de défiance que de ferveur dans la partie la plus influente de la nation, il regarda les hommes qui avaient défendu la révolution comme les coupables auteurs de nos longues calamités ; il se persuada, ainsi qu’un grand nombre de ceux qui l’entouraient, qu’en rétablissant des institutions vieillies, il rendrait à la monarchie son ancienne splendeur, à la France un long avenir de paix et de sécurité : en s’avançant vers ce but, il crut remplir un saint devoir, et une fois engagé dans une voie qui menait à l’abîme, il y marcha d’un pas ferme, le front levé, la main sur la conscience.

Charles X, dans le cours d’une carrière déjà longue, s’était montré du petit nombre des hommes dont la conduite politique n’offrait aucune variation, et qui n’eurent que bien rarement à se reprocher d’avoir fait une concession à des opinions qu’ils ne partageaient pas. Les Français étaient avertis du péril et pressentaient depuis longtemps les orages du nouveau règne ; cependant, tel est le pouvoir d’un langage gracieux et de l’affabilité des manières, et telle est en France la facilité avec laquelle le peuple, oubliant de premières impressions, passe souvent de la prévention à l’espérance, que l’avénement du nouveau roi parut d’abord populaire : Plus de hallebardes ! avait-il dit aux gardes qui empêchaient la foule de l’ap-