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RÈGNE DE LOUIS XVIII.

étaient imbus de préjugés plus aristocratiques encore que monarchiques, et demandaient qu’une haute influence dans la direction des affaires fût le partage de la grande propriété ; ils accusaient M. de Villèle avec violence de manquer à cet égard à ses engagements antérieurs, et celui-ci espérait, s’il convoquait une chambre nouvelle, sous l’influence récente de la campagne d’Espagne, qu’elle serait toute dévouée à ses vues : il comptait ainsi réduire à l’impuissance une double et fatigante opposition. Le roi et son conseil partagèrent l’avis du ministre, et la chambre fut dissoute : on disposa tout pour une élection générale.

Rien ne fut plus scandaleux, plus déloyal, plus funeste à l’autorité morale du gouvernement, que la manière dont les élections de 1824 furent ordonnées et accomplies. Des circulaires menacèrent les fonctionnaires de la destitution, s’ils ne soutenaient pas de toutes leurs forces les choix ministériels. Un grand nombre, pour répondre aux vœux du conseil, eurent recours à la fraude, et firent preuve de la plus basse servilité : tracasseries de toute espèce à l’égard des électeurs libéraux, radiation et inscription arbitraires sur la liste électorale, délivrance de fausses cartes ; tous ces abus furent permis, tous furent encouragés, récompensés même par un ministère qui se faisait un jeu de la corruption, qui ne comprenait point que l’ascendant moral est la première de toutes les influences qu’un gouvernement doive ambitionner pour son propre avantage dans un état libre, et qui cherchait ses moyens de force et de durée ailleurs que dans les sympathies de la France et l’appui national. Les jésuites et la congrégation prenaient une part active à ces déplorables manœuvres, et un mandement de M. le cardinal de Clermont-Tonnerre, archevêque de Toulouse, dévoila le but où elles tendaient, en trahissant l’espoir et l’intime pensée du parti victorieux. L’archevêque réclamait les anciens privilèges de l’Église de France, la réhabilitation de toutes les fêtes solennelles, le droit commun du clergé, tel qu’il existait autrefois, et le rétablissement de plusieurs ordres religieux ; enfin, il exprimait le vœu que l’état civil fût