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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

tels que le vicomte de Montmorency et l’abbé Legris-Duval, avaient formé en France une société influente, qui n’eut d’abord pour objet que l’accomplissement des bonnes œuvres et des devoirs prescrits par une fervente dévotion. La restauration ouvrit le champ de la politique à cette société, qui, imbue des principes ultramontains et ultra-royalistes, devint, sous le patronage de MM. de Polignac et de Rivière, l’obstacle le plus redoutable aux ministères Decazes et Richelieu. Généralement désignée sous le nom de congrégation, elle accueillit avec empressement les jésuites pour chefs : ceux-ci, non autorisés à résider en France, en qualité de membres de leur ordre, fondèrent de nouveau leur pouvoir dans l’état, sous le nom de Pères de la foi ; et, du moment où ils dirigèrent la congrégation, l’intrigue y exerça une influence souveraine ; toutes les ambitions s’y firent admettre, sous l’invocation de saint Ignace Loyola. Elle eut ses sociétés affiliées et ses correspondances. Montrouge, où les jésuites avaient transporté leur noviciat, fut le foyer de tous les complots occultes de la cour et de l’Église contre la charte et nos institutions. Les jésuites comptaient de puissants soutiens jusque dans la famille royale, et Louis XVIII, constamment assailli d’instances en leur faveur, consentit à les tolérer, sans pourtant reconnaître leur existence comme légale. Dès lors la religion, si sainte et si bienfaisante lorsqu’elle n’agit que dans un but spirituel et moral, fut mêlée à tous les intérêts de la politique et de l’ambition ; les jésuites fondèrent des collèges sous le nom de petits séminaires, où furent placés les enfants des familles les plus distinguées du royaume ; ils dominèrent la cour, l’église, la majorité de la chambre : des missionnaires, la plupart ignorants et fanatiques, parcoururent le royaume, affiliés à la congrégation et imbus de ses doctrines ; presque partout ils furent l’occasion ou la cause involontaire d’étranges désordres : l’hypocrisie, si fatale aux mœurs à la fin du règne de Louis XIV, reparut plus odieuse sous celui de Louis XVIII et de son successeur : les actes extérieurs de dévotion, pratiqués par les incrédules eux-mêmes, étaient le plus sûr moyen d’arriver aux