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RÈGNE DE LOUIS XVIII.

soupçonnés de bonapartisme. La chambre, au milieu de tant de sang, marchait à son but, qui était :

1° Le rétablissement de la royauté légitime sur ses antiques bases ; 2° la formation d’administrations locales, indépendantes, organisées de manière à laisser place aux influences territoriales et ecclésiastiques ; 3° la création légale d’une puissante aristocratie territoriale ; 4° la constitution politique et financière du clergé de France.

Louis XVIII avait annoncé, à son retour de Gand que treize articles de la charte seraient soumis à une révision ; il devenait évident que la chambre allait s’autoriser de cette parole royale pour anéantir la charte tout entière. M. le comte d’Artois et ses amis du pavillon Marsan, qui accusaient le gouvernement du roi d’une conduite trop libérale en 1814, et qui imputaient à ce prétendu libéralisme la catastrophe des cent jours, dirigeaient la chambre de 1815 dans sa marche violente et rétrograde. Déjà, par l’établissement d’une congrégation religieuse, dont les ramifications s’étendaient en province, Monsieur dominait les consciences ambitieuses ou dévotes : à cette première et habile organisation il joignit celle non moins puissante de la garde nationale ; tous les inspecteurs de ce corps immense, tous les officiers étaient à sa nomination ; il les choisit la plupart dans le parti royaliste exalté, et exerça ainsi un double pouvoir de surveillance et d’action. La France se trouvait enlacée sous le réseau d’une faction hostile à ses institutions, et dont les intérêts et les vœux combattaient les siens : la monarchie représentative était en péril, et plus l’influence de ce pouvoir anti-national gagnait en force et en durée, plus on devait craindre que la réaction fût terrible.

C’est alors qu’écoutant les suggestions de sa propre raison, et les énergiques conseils des ministres Richelieu, Decazes et Laîné, Louis XVIII fit paraître la célèbre ordonnance du 5 septembre 1816, qui dissolvait la chambre des députés, fixait, d’après le texte de la constitution, le nombre des membres de la nouvelle chambre à deux cent soixante, et déclarait qu’aucun article de la charte ne serait révisé. Cette ordonnance fut un