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RÈGNE DE NAPOLÉON.

mée française ; des deux côtés on s’informe avec anxiété, on espère : Wellington reprend confiance ; maintenant il est sûr de vaincre, il a reconnu les Prussiens : Blucher a trompé Grouchy : c’en est fait ; la déroute des nôtres est complète, immense, et le carnage horrible ; deux cents pièces de canon et un matériel considérable tombent au pouvoir de l’ennemi : l’honneur français du moins demeure intact dans cette journée funeste, où, sommés de mettre bas les armes, quelques bataillons mutilés de la vieille garde répondent par ce cri héroïque : La garde meurt et ne se rend pas. Napoléon, égaré, hors de lui-même, au milieu de ce prodigieux désastre, présente sa poitrine aux balles et aux boulets : il ne peut mourir ; pour la seconde fois, la mort ne veut pas de lui : alors, désespérant de sa fortune, il abandonne les débris de son armée, et revient à Paris annoncer lui-même que tout est perdu.

L’attitude des représentants, déjà mal disposés à son égard, est morne et menaçante. Lafayette se lève, et fait entendre des paroles sévères : sur sa proposition, toute tentative de dissoudre la chambre sera punie comme un crime de haute trahison. Napoléon voit ses amis eux-mêmes consternés : la populace des faubourgs fait seule encore retentir à son oreille le cri de Vive l’empereur ! mêlé à des clameurs sauvages ; il ne peut se résoudre à s’appuyer sur elle et à la déchaîner contre les représentants de la nation ; il résiste prudemment aux instances de son frère Lucien, qui l’exhorte à tenter un autre 18 brumaire, et signe une seconde abdication en faveur de son fils. Les chambres acceptent cet acte, et sans se prononcer positivement pour Napoléon II, forment un gouvernement, composé des ministres Carnot et Fouché, duc d’Otrante, des généraux Caulincourt et Grenier et de l’ancien conventionnel Quinette : Fouché, soupçonné d’avoir trahi l’empereur, est nommé président de ce gouvernement provisoire.

Napoléon s’éloigne, et de la Malmaison, où il se retire, il tourne ses yeux vers l’Amérique. Derrière lui, d’innombrables ennemis se précipitent sur la France, les chemins de Paris sont ouverts, les Anglais et les Prussiens s’y engagent téméraire-