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RÈGNE DE LOUIS XVIII.

de charge ; l’aigle avec les couleurs nationales volera de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame. »

Tout l’espoir de Napoléon reposait sur l’affection et sur l’enthousiasme des soldats pour sa personne ; de leur retour à lui dépendait le succès de son immense entreprise. Une première tentative faite sur la garnison d’Antibes avait échoué, et pendant plusieurs jours Bonaparte marche sans rencontrer aucune troupe amie ou ennemie : enfin, le 7 mars au soir, un bataillon de sept cents hommes se présente au défilé de Vizille, à peu de distance de Grenoble, dont il ferme la route. L’officier qui le commande refuse de parlementer et menace d’ordonner le feu ; c’était l’instant décisif : Napoléon s’avance alors seul à pied, et, s’approchant des troupes à portée de la voix, il ouvre sa redingote et dit : « Soldats, c’est moi, reconnaissez-moi ; s’il est parmi vous un soldat qui veut tuer son empereur, le voici : il vient, la poitrine découverte, s’offrir à ses coups. » Tous reculent : l’admiration, l’enthousiasme, saisissent les cœurs, le cri de Vive l’empereur ! mille fois répété se fait entendre, les deux troupes fraternisent, arborent le même drapeau, et marchent ensemble sur Grenoble. Bientôt le colonel Labédoyère accourt avec son régiment, et se joint à Bonaparte, à qui l’infortuné jeune homme a voué une espèce de culte. Grenoble, Lyon ouvrent leurs portes ; dans cette dernière ville le comte d’Artois est abandonné, il la quitte avec un seul cavalier pour escorte. Partout les soldats répondent à l’appel de leur ancien général ; le corps d’armée que Ney commande cède à l’exemple, Ney lui-même est entraîné et se jette dans les bras de son ancien chef, de son compagnon d’armes. Monsieur prête alors pour la première fois, en présence dos chambres assemblées, serment à la charte constitutionnelle ; mais en vain le maréchal Mortier et la garnison de la Fère ont réprimé dans l’Est une révolte dirigée par les généraux Lallemand et Lefèvre-Desnouettes ; en vain le duc d’Angoulême dans le Languedoc, et Madame à Bordeaux, dans la ville qui la première a proclamé les Bourbons, cherchent à rallier les troupes à la cause royale, déjà