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HISTOIRE DE LA RESTAURATION.

Son esprit prévenu ne put ou ne voulut point les comprendre, et Fouché dit, en le quittant : « Que le roi continue à se servir de cet homme, et il perdra dix couronnes les unes après les autres. »

En présence de tant de foyers d’agitation et de révolte, la tâche du gouvernement était immense, et il agissait sans union, sans intelligence, et sans force ; M. de Talleyrand ne siégeait plus au conseil ; il représentait alors la France au congrès des souverains rassemblés depuis plusieurs mois à Vienne pour se partager les dépouilles du grand empire de Napoléon. Ce congrès, dirigé surtout par l’empereur Alexandre, et où M. de Metternich pour l’Autriche, lord Castlereagh pour l’Angleterre, et M. de Hardenberg pour la Prusse, exercèrent la plus haute influence, soulevait déjà d’immenses mécontentements. Les monarques y avaient posé en principe le droit de diviser entre eux les peuples comme des troupeaux. Ce n’était plus l’étendue territoriale, c’était le nombre d’âmes de chaque ville, de chaque contrée, qui devait servir de base aux partages. On ne tint pas compte des différences établies entre les peuples par les mœurs, les caractères nationaux, les besoins du commerce, les religions ; mais les intérêts des états du second ordre furent constamment sacrifiés à ceux des grandes puissances. Le malheureux roi de Saxe, coupable de fidélité envers Napoléon, fut dépouillé au profit de la Prusse et de la Russie ; la première obtint, outre l’électorat de Saxe, la Poméranie suédoise et une grande partie du territoire entre Rhin et Meuse ; la Russie acquit le grand-duché de Varsovie, sous le nom de royaume de Pologne, et à charge de le régir par un gouvernement particulier et constitutionnel : l’Autriche recouvra la Lombardie, et y ajouta toutes les anciennes possessions de Venise sur les deux rives de l’Adriatique : la Toscane fut donnée à l’archiduc Ferdinand, et Gênes au roi de Sardaigne ; Parme et Plaisance, à l’ex-impératrice Marie-Louise. La politique extérieure de tous les états de l’Allemagne fut soumise aux décisions d’une diète fédérale, dans laquelle l’Autriche et la Prusse s’emparèrent de toute influence, au mépris des vives