Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

entre deux armées, et de la priver de l’appui du peuple.

Paris était dans la plus grande fermentation ; cette ville immense était unanime dans son dévouement à l’assemblée. Les périls dont les représentants de la nation étaient menacés, les siens propres, et le défaut de subsistances, la disposaient à un soulèvement. Les capitalistes, par intérêt et dans la crainte de la banqueroute ; les hommes éclairés et toute la classe moyenne, par patriotisme ; le peuple pressé par ses besoins, rejetant ses souffrances sur les privilégiés et sur la cour, désireux d’agitation et de nouveautés, avaient embrassé avec chaleur la cause de la révolution. Il est difficile de se figurer le mouvement qui agitait cette capitale de la France. Elle sortait du repos et du silence de la servitude ; elle était comme surprise de la nouveauté de sa situation, et s’enivrait de liberté et d’enthousiasme. La presse échauffait les esprits, les journaux répandaient les délibérations de l’assemblée, et faisaient assister en quelque sorte à ses séances ; on discutait en plein air, sur les places publiques, les questions qui étaient agitées dans son sein. C’était au Palais-Royal surtout que se tenait l’assemblée de la capitale. Le jardin était toujours rempli d’une foule qui semblait permanente, et qui se renouvelait sans cesse. Une table servait de tribune, le premier citoyen, d’orateur ; là, on haranguait sur les dangers de la patrie, et on s’excitait à la résistance. Déjà, sur une motion faite au Palais-Royal, les prisons de l’Abbaye avaient été forcées, et des grenadiers des gardes-françaises, qui avaient été renfermés pour avoir refusé de tirer sur le peuple, en avaient été ramenés en triomphe. Cette émeute n’avait pas eu de suite ; une députation avait sollicité, en faveur des prisonniers délivrés, l’intérêt de l’assemblée, qui les avait recommandés à la clémence du roi ; ils s’étaient remis en prison, et ils avaient reçu leur grâce. Mais ce régiment, l’un des plus complets et des plus braves, était devenu favorable à la cause populaire.

Telles étaient les dispositions de Paris, lorsque la cour, après avoir établi des troupes à Versailles, à Sèvres, au Champ-de-Mars, à Saint-Denis, crut pouvoir exécuter son