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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

un état qu’une justice. Toutes les justices particulières avaient été usurpées, et étaient contraires aux droits de la nation ; je les ai détruites... La génération présente pourra varier dans son opinion : trop de passions ont été mises en jeu ; mais vos neveux me béniront comme votre régénérateur ; ils placeront au nombre des jours mémorables ceux où j’ai paru parmi vous, et de ces jours datera la prospérité de l’Espagne. »

Tel était en effet le rôle de Napoléon dans la Péninsule, qui ne pouvait être rendue à une existence meilleure et à la liberté que par la reprise de la civilisation. On ne brusque pas plus l’établissement de l’indépendance qu’autre chose ; et lorsqu’un pays est ignorant, arriéré, pauvre, couvert de couvents et gouverné par des moines, il faut refaire son état social avant de songer à sa liberté. Napoléon, qui opprimait les nations civilisées, était un restaurateur véritable pour la Péninsule. Mais les deux partis de la liberté civile et de la servitude religieuse, celui des cortès et celui des moines, quoique bien opposés dans leur but, s’entendirent pour se défendre en commun. L’un était à la tête de la classe supérieure et de la classe moyenne, l’autre à la tête du bas peuple, et ils exaltèrent à l’envi les Espagnols par le sentiment de l’indépendance, ou par le fanatisme religieux. Voici le catéchisme dont les prêtres faisaient usage :

« Dis-moi, mon enfant, qui es-tu ? — Espagnol par la grâce de Dieu. — Quel est l’ennemi de notre félicité ? — L’empereur des Français. — Combien a-t-il de natures ? — Deux : la nature humaine et la diabolique. — Combien y a-t-il d’empereurs des Français ? — Un véritable, en trois personnes trompeuses. — Comment les nomme-t-on ? — Napoléon, Murat et Manuel Godoï. — Lequel des trois est le plus méchant ? — Ils le sont tous trois également. — De qui dérive Napoléon ? — Du péché. — Murat ? — De Napoléon, — Et Godoï ? — De la fornication des deux. — Quel est l’esprit du premier ? — L’orgueil et le despotisme. — Du second ? — La rapine et la cruauté. — Du troisième ?