Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/427

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
423
EMPIRE.

avait licencié les classes ; le directoire, battu les partis ; le consulat, gagné les hommes ; l’empire les corrompit par des distinctions et des priviléges. Cette seconde période fut l’opposé de la première. Sous l’une, on vit le gouvernement des comités exercé par des hommes éligibles tous les trois mois, sans gardes, sans honoraires, sans représentation, vivant de quelques francs par jour, travaillant dix-huit heures sur de simples tables de noyer ; sous l’autre, le gouvernement de l’empire avec tout son attirail d’administration, ses chambellans, ses gentilshommes, sa garde prétorienne, son hérédité, son immense liste civile et sa bruyante ostentation. L’activité nationale se porta entièrement vers le travail et la guerre. Tous les intérêts matériels, toutes les passions ambitieuses, s’arrangèrent hiérarchiquement sous un seul chef, qui, après avoir sacrifié la liberté par l’établissement du pouvoir absolu, détruisit l’égalité par la noblesse.

Le directoire avait érigé tous les états environnants en républiques ; Napoléon voulut les constituer sur le modèle de l’empire. Il commença par l’Italie. La consulte d’état de la république cisalpine décida qu’on rétablirait la monarchie héréditaire en faveur de Napoléon. Son vice-président, M. Melzy, vint à Paris lui transmettre cette décision. Le 26 ventôse an XIII (17 mars 1805), il fut reçu aux Tuileries en audience solennelle. Napoléon était sur son trône, environné de sa cour et de tout l’éclat du pouvoir souverain, dont il aimait la représentation. M. Melzy lui offrit la couronne au nom de ses concitoyens. « Sire, lui dit-il en finissant, daignez combler le vœu de l’assemblée que j’ai l’honneur de présider. Interprète de tous les sentiments qui animent tous les cœurs italiens, elle vous en rapporte l’hommage le plus sincère. Elle leur apprendra avec joie qu’en l’acceptant vous avez redoublé la force des liens qui vous attachent à la conservation, à la défense, à la prospérité de la nation italienne. Oui, sire, vous voulûtes que la république italienne existât, et elle a existé. Veuillez que la monarchie italienne soit heureuse, et elle le sera. »