citoyen a restauré la liberté publique, s’il a opéré le salut de son pays, sera-ce une récompense à lui offrir que le sacrifice de cette même liberté, et ne serait-ce pas anéantir son propre ouvrage que de faire de son pays son patrimoine particulier ? Du moment qu’il fut proposé au peuple français de voter sur la question du consulat à vie, chacun put aisément juger qu’il existait une arrière-pensée : on vit se succéder une foule d’institutions évidemment monarchiques. Aujourd’hui se découvre enfin, d’une manière positive, le terme de tant de mesures préliminaires : nous sommes appelés à nous prononcer sur la proposition formelle de rétablir le système monarchique, et de conférer la dignité impériale et héréditaire au premier consul.
La liberté fut-elle donc montrée à l’homme pour qu’il ne pût jamais en jouir ! Non, je ne puis consentir à regarder ce bien, si universellement préféré à tous les autres, sans lequel tous les autres ne sont rien, comme une simple illusion ! Mon cœur me dit que la liberté est possible, que le régime en est facile et plus stable qu’aucun gouvernement arbitraire. J’ai voté dans le temps contre le consulat à vie ; je vote de même contre le rétablissement de la monarchie, comme je pense que ma qualité de tribun m’oblige à le faire. »
Mais il fut le seul à penser ainsi ; et ses collègues s’élevèrent à l’envi et avec étonnement contre l’opinion de ce seul homme resté libre. Il faut voir, dans les discours de cette époque, le prodigieux changement qui s’était opéré dans les idées et dans le langage. La révolution avait rétrogradé jusqu’aux principes politiques de l’ancien régime : il y avait la même exaltation et le même fanatisme, mais c’était une exaltation de flatterie et un fanatisme de servitude. Les Français se jetaient dans l’empire, comme ils s’étaient jetés dans la révolution. Ils avaient tout rapporté à l’affranchissement des peuples, au siècle de la raison ; ils ne parlèrent plus que de la grandeur d’un homme et du siècle de Bonaparte ; et ils combattirent bientôt pour faire des rois, comme naguère pour créer des républiques.
Le tribunat, le corps législatif et le sénat votèrent l’em-