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DIRECTOIRE EXÉCUTIF.

comme une armée, par un mot d’ordre. La galerie de Mars avait été préparée pour les anciens ; l’Orangerie pour les cinq-cents. Une force armée considérable entourait le siége de la législature, comme la multitude, au 2 juin, entourait la convention. Les républicains, réunis en groupes dans les jardins, attendaient l’ouverture des séances ; ils étaient agités d’une généreuse indignation contre la brutalité militaire dont ils étaient menacés ; ils se communiquaient leurs projets de résistance. Le jeune général, suivi de quelques grenadiers, parcourait les cours et les appartements ; et, se livrant prématurément à son caractère, il disait, comme le vingtième roi d’une dynastie : Je ne veux plus de factions : il faut que cela finisse ; je n’en veux plus absolument. Vers deux heures après-midi, les conseils se réunirent dans leurs salles respectives au bruit des instruments, qui exécutaient la Marseillaise.

Dès que la séance est ouverte, Émile Gaudin, l’un des conjurés, monte à la tribune des cinq-cents. Il propose de remercier le conseil des anciens des mesures qu’il a prises, et de le faire expliquer sur le moyen de sauver la république. Cette motion devient le signal du plus violent tumulte : de tous les coins de la salle s’élèvent des cris contre Gaudin. Les députés républicains assiègent la tribune et le bureau que présidait Lucien Bonaparte. Les conjurés Cabanis, Boulay (de la Meurthe ), Chazal, Gaudin, Lucien, etc., pâlissent sur leurs bancs. Après une longue agitation, au milieu de laquelle personne ne peut se faire entendre, le calme se rétablit un moment, et Delbred propose de renouveler le serment à la constitution de l’an III. Aucune voix ne s’élevant contre cette motion, qui devenait capitale dans une pareille conjoncture, le serment est prêté avec une unanimité et un accent d’enthousiasme qui compromettent la conjuration.

Bonaparte, instruit de ce qui se passait aux cinq-cents, et placé dans l’extrême péril d’une destitution et d’une défaite, se présente au conseil des anciens. Il était perdu si ce dernier, qui penchait pour la conjuration, était entraîné par l’élan du conseil des jeunes. « Représentants du peuple, leur