Heureusement pour la république, la guerre changea de face sur les deux principales frontières du haut et du bas Rhin. Les alliés, après avoir acquis l’Italie, voulurent pénétrer en France par la Suisse et par la Hollande ; mais les généraux Masséna et Brune arrêtèrent leur marche jusque-là victorieuse. Masséna s’avança contre Korsakof et Souvarow. Pendant douze jours de grandes combinaisons et de victoires consécutives, courant tour à tour de Constance à Zurich, il repoussa les efforts des Russes, les força à la retraite, et désorganisa la coalition. Brune battit aussi le duc d’York en Hollande, l’obligea de remonter sur ses vaisseaux, et de renoncer à sa tentative d’invasion. L’armée d’Italie seule avait été moins heureuse. Elle avait perdu son général, Joubert, tué à la bataille de Novi, en chargeant lui-même les Austro-Russes. Mais cette frontière, qui était fort éloignée du centre des événements, ne fut point entamée malgré la défaite de Novi, et Championnet la défendit habilement. Elle devait être bientôt dépassée par les troupes républicaines, qui, après avoir été un moment battues à chaque reprise d’armes, reprenaient leur supériorité et recommençaient leurs victoires. L’Europe, en donnant par ses attaques répétées plus d’exercice à la puissance militaire, la rendait chaque fois plus envahissante.
Mais au dedans rien n’était changé. Les divisions, le mécontentement et le malaise étaient les mêmes. La lutte s’était prononcée davantage entre les républicains modérés et les républicains extrêmes. Sièyes poursuivit ses projets contre ces derniers. Il s’éleva au Champ-de-Mars, dans l’anniversaire du 10 août, contre les Jacobins. Lucien Bonaparte, qui avait beaucoup de crédit dans les cinq-cents, par son caractère, ses talents et l’importance militaire du conquérant de l’Italie et de l’Égypte, fit dans cette assemblée un tableau effrayant de la terreur, et dit que la France était menacée de son retour. À peu près dans ce temps, Sièyes fit destituer Bernadotte ; et Fouché ferma, d’accord avec lui, la réunion du Manége. La masse, à laquelle il suffit de présenter le fantôme du passé pour lui inspirer l’épouvante, se rangea du côté des modérés,