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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

abandonna. Les constitutionnels de 1791 et le parti directorial se réunirent. Le club de Salm, formé sous les auspices de cette alliance, fut opposé au club de Clichy, qui était depuis longtemps le rendez-vous des membres les plus influents des conseils. Le directoire, tout en recourant à l’opinion, ne négligea point sa principale force, l’appui des troupes ; il fit approcher de Paris plusieurs régiments de l’armée de Sambre-et-Meuse, commandée par Hoche. Le rayon constitutionnel de six myriamètres (douze lieues), que les troupes ne pouvaient pas franchir sans attentat, fut violé, et les conseils dénoncèrent cette violation au directoire, qui feignit une ignorance tout à fait suspecte et donna de fort mauvaises excuses.

Les deux partis étaient en observation : l’un avait ses postes au directoire, au club de Salm, dans l’armée ; l’autre, dans les conseils, à Clichy, et dans les salons royalistes. La masse était spectatrice. Chacun des deux partis était disposé à agir révolutionnairement à l’égard de l’autre. Un parti intermédiaire, constitutionnel et pacificateur, essaya de prévenir cette lutte et de rétablir un accord tout à fait impossible. Carnot était à sa tête : quelques membres du conseil des jeunes, dirigés par Thibaudeau, un assez grand nombre d’anciens, secondaient ses projets de modération. Carnot, qui, à cette époque, était le directeur de la constitution, formait, avec Barthélémy, qui était le directeur de la législature, une minorité dans le gouvernement. Carnot, très austère dans sa conduite et très opiniâtre dans ses vues, n’avait pu s’entendre ni avec Barras, ni avec l’impérieux Rewbell. À cette antipathie de caractère se joignit alors la différence de système ; Barras et Rewbell, soutenus de Larévellière, n’étaient point éloignés d’un coup d’état contre les conseils, tandis que Carnot voulait suivre strictement la loi. Ce grand citoyen avait parfaitement vu, à chaque époque de la révolution, le mode de gouvernement qui lui convenait, et son opinion était devenue aussitôt une idée fixe. Sous le comité de salut public, il avait eu l’idée fixe de la dictature ; sous le directoire, il eut l’idée fixe du gouvernement légal. En ne reconnaissant aucune nuance dans