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DIRECTOIRE EXÉCUTIF.

d’éloquence, de courage, mais professant des opinions intempestives, fut le principal panégyriste du clergé dans le conseil des jeunes. Le discours qu’il prononça à ce sujet excita une grande surprise et de violentes oppositions. Ce qui restait d’enthousiasme était encore tout patriotique, et l’on fut étonné de voir renaître un autre enthousiasme, celui de la religion : le dernier siècle et la révolution en avaient entièrement déshabitué, et empêchaient de le comprendre. Ce moment était celui où l’ancien parti refaisait ses croyances, introduisait son langage, et les mêlait aux croyances et au langage du parti réformateur, qui jusque-là avaient dominé seuls. Il en résulta, comme il arrive pour ce qui est inattendu, une impression défavorable de ridicule contre Camille Jordan, qu’on nomma Jordan-Carillon, Jordan-les-Cloches. La tentative des protecteurs du clergé ne réussit cependant pas, et le conseil des cinq-cents n’osa point décréter encore le rétablissement des cloches, ni rendre les prêtres indépendants. Après quelque hésitation, le parti modéré se joignit au parti directorial, et ils maintinrent le serment civique, au cri de Vive la république !

Cependant les hostilités continuèrent contre le directoire, dans le conseil des cinq-cents surtout, qui était plus fougueux et plus impatient que celui des anciens. Tout cela enhardit beaucoup la faction royaliste dans l’intérieur. On vit se renouveler les représailles contre-révolutionnaires à l’égard des patriotes et des acquéreurs de biens nationaux. Les émigrés et les prêtres réfractaires revinrent en foule, et, ne pouvant rien supporter de la révolution, ils ne cachaient point leurs projets de renversement. L’autorité directoriale, menacée au centre, méconnue dans les départements, devint tout à fait impuissante.

Mais le besoin de la défense, l’inquiétude de tous les hommes dévoués au directoire et surtout à la révolution, donnèrent du courage et de l’appui au gouvernement. La marche agressive des conseils fit suspecter leur attachement pour la république ; et la masse, qui les avait d’abord soutenus, les