laires, ses gardes bourgeoises, ses dehors animés, brillants, paisibles, et portant le sceau de l’ordre et de l’indépendance. On était loin de la France plus rembrunie et plus orageuse du 10 août, où une seule classe avait occupé le gouvernement et la société, et y avait porté son langage, ses manières, son costume, l’agitation de ses craintes, le fanatisme de ses idées, les défiances et le régime de sa position. Alors on avait vu la vie publique remplacer entièrement la vie privée, la république offrir tour à tour l’aspect d’une assemblée et d’un camp, les riches soumis aux pauvres, et les croyances de la démocratie à côté de l’administration sombre et déguenillée du peuple. À chacune de ces époques, on avait été fortement attaché à quelque idée : d’abord à la liberté et à la monarchie constitutionnelle ; en dernier lieu, à l’égalité, à la fraternité, à la république. Mais au commencement du directoire, on ne croyait plus à rien, et, pendant le grand naufrage des partis, tout s’était perdu, et la vertu de la bourgeoisie et la vertu du peuple.
On sortait affaibli et froissé de cette furieuse tourmente ; et chacun, se rappelant l’existence politique avec effroi, se jeta d’une manière effrénée vers les plaisirs et les relations de l’existence privée, si longtemps suspendue. Les bals, les festins, les débauches, les équipages somptueux, revinrent avec plus de vogue que jamais ; ce fut la réaction des habitants de l’ancien régime. Le règne des sans-culottes ramena la domination des riches ; les clubs, le retour des salons. Du reste, il n’était guère possible que ce premier symptôme de la reprise de la civilisation nouvelle ne fût point aussi désordonné. Les mœurs directoriales étaient le produit d’une autre société, qui devait reparaître avant que la société nouvelle eût réglé ses rapports et fait ses propres mœurs. Dans cette transition, le luxe devait faire naître le travail ; l’agiotage, le commerce ; les salons, le rapprochement des partis, qui ne pouvaient se souffrir que par la vie privée ; enfin, la civilisation recommencer la liberté.
La situation de la république était décourageante au moment de l’installation du directoire. Il n’existait aucun élément