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ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

son nombre. Mais il parla en contrôleur-général et en homme prudent ; son discours, qui dura trois heures, fut un long budget de finances ; et lorsqu’il en vint, après avoir lassé l’assemblée, à la question qui occupait tous les esprits, il la laissa indécise, pour ne se commettre ni avec la cour ni avec le peuple.

Le gouvernement aurait dû mieux comprendre l’importance des états-généraux. Le retour de cette assemblée annonçait seul une grande révolution. Attendus avec espérance par la nation, ils reparaissaient à une époque où l’ancienne monarchie était affaissée, et où ils étaient seuls capables de réformer l’état, de pourvoir aux besoins de la royauté. La difficulté des temps, la nature de leur mandat, le choix de leurs membres, tout annonçait qu’ils n’étaient plus convoqués comme contribuables, mais comme législateurs. Le droit de régénérer la France leur était accordé par l’opinion, dévolu par leurs cahiers, et ils devaient trouver, dans l’énormité des abus et dans les encouragements publics, la force d’entreprendre et d’accomplir cette grande tâche.

Il importait au roi de s’associer à leurs travaux. Il aurait pu de cette manière restaurer son pouvoir, et se garantir des excès d’une révolution en l’opérant lui-même. Si, prenant l’initiative des changements, il avait fixé avec fermeté, mais avec justice, le nouvel ordre des choses ; si, réalisant les vœux de la France, il eût déterminé les droits des citoyens, les attributions des états-généraux, les limites de la royauté ; s’il eût renoncé à l’arbitraire pour lui, à l’inégalité pour la noblesse, aux priviléges pour les corps ; enfin, s’il eût accompli toutes les réformes qui étaient réclamées par l’opinion, et qui furent exécutées par l’assemblée constituante, cette résolution aurait prévenu les funestes dissensions qui éclatèrent plus tard. Il est rare de trouver un prince qui consente au partage de son pouvoir, et qui soit assez éclairé pour céder ce qu’il sera réduit à perdre. Cependant Louis XVI l’aurait fait, s’il avait été moins dominé par ses alentours, et s’il eût suivi ses inspirations personnelles. Mais l’anarchie la plus grande régnait dans les conseils du roi. Lorsque les états-généraux s’assemblèrent, aucune mesure