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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

le désir général, le roi a voulu que cette nouvelle forme ne puisse s’opérer que du consentement libre des états-généraux, et avec l’approbation de Sa Majesté. Mais quelle que doive être la manière de prononcer sur cette question ; quelles que soient les distinctions à faire entre les différents objets qui deviendront la matière des délibérations, on ne doit pas douter que l’accord le plus parfait ne réunisse les trois ordres relativement à l’impôt. » Le gouvernement n’était pas éloigné du vote par tête dans les matières pécuniaires, parce qu’il était plus expéditif, tandis que dans les matières politiques il se déclarait en faveur du vote par ordre, qui était très propre à empêcher les innovations. Il voulait ainsi parvenir à son but, les subsides, et ne pas permettre à la nation d’atteindre le sien, les réformes. La manière dont le garde-des-sceaux fixa les attributions des états-généraux fit ressortir encore davantage les intentions de la cour. Il les réduisit en quelque sorte à l’examen de l’impôt, pour le voter, à la discussion d’une loi sur la presse pour lui imposer des bornes, et à la réforme de la législation civile et criminelle. Il proscrivit tous les autres changements, et il finit en disant : « Les demandes justes ont été accordées ; le roi ne s’est point arrêté aux murmures indiscrets ; il a daigné les couvrir de son indulgence ; il a pardonné jusqu’à l’expression de ces maximes fausses et outrées, à la faveur desquelles on voudrait substituer des chimères pernicieuses aux principes inaltérables de la monarchie. Vous rejetterez, messieurs, avec indignation ces innovations dangereuses que les ennemis du bien public voudraient confondre avec les changements heureux et nécessaires qui doivent amener cette régénération, le premier vœu de Sa Majesté. »

C’était peu connaître le vœu de la nation, ou c’était le combattre bien ouvertement. L’assemblée peu satisfaite se rejeta vers M. Necker, de la part duquel elle attendait un tout autre langage. Il était le ministre populaire, il avait fait obtenir la double représentation, et l’on espérait qu’il approuverait le vote par tête, qui devait seul permettre au tiers-état d’utiliser