Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
311
CONVENTION NATIONALE.

vait que contrarier l’établissement du nouvel ordre de choses.

La situation était changée : la liberté devait remplacer la dictature, puisque le salut de la révolution était opéré, et qu’il importait de revenir au régime légal pour la conserver. Un pouvoir exorbitant et extraordinaire, comme la confédération des clubs, devait trouver son terme dans la défaite du parti qui l’avait soutenu, et ce parti finir avec les circonstances qui l’avaient élevé.

Carrier, traduit devant le tribunal révolutionnaire, fut jugé sans interruption et condamné avec la plupart de ses complices. Pendant qu’on le jugeait encore, les soixante-treize députés que leur protestation contre le 31 mai avait fait exclure de l’assemblée, furent rappelés dans son sein. Merlin de Douai demanda leur rentrée au nom du comité de salut public ; son rapport fut accueilli avec applaudissement, et les soixante-treize reprirent leur place dans la convention. Les soixante-treize provoquèrent à leur tour le rappel des députés mis hors la loi, mais ils rencontrèrent une vive opposition. Les thermidoriens et les membres des nouveaux comités craignaient de faire par là le procès à la révolution. Ils craignaient en outre d’introduire un nouveau parti dans la convention déjà divisée, et d’y ramener des ennemis implacables qui pourraient bien opérer, à leur égard, une réaction semblable à celle qui avait lieu contre les anciens comités. Aussi les repoussèrent-ils violemment, et Merlin de Douai alla jusqu’à dire : Voulez-vous ouvrir les portes du Temple ? Le jeune fils de Louis XVI y était renfermé, et les Girondins, à cause des suites du 31 mai, étaient confondus avec les royalistes. D’ailleurs, le 31 mai figurait encore dans les dates révolutionnaires à côté du 10 août et du 14 juillet. Il fallait que le mouvement rétrograde fît quelques pas de plus pour atteindre cette époque. La contre-révolution républicaine était retournée du 9 thermidor 1794 au 3 octobre 1793, jour de l’arrestation des soixante-treize, mais non au 2 juin 1793, jour de l’arrestation des vingt-deux. Il fallait qu’après avoir renversé Robespierre et le comité, elle attaquât Marat et la Montagne. Pour cela, dans