Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/314

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
310
RÉVOLUTION FRANÇAISE.

Il y eut un combat assez vif. Les assiégeants brisèrent les fenêtres à coups de pierres, enfoncèrent les portes, et dispersèrent les Jacobins après quelque résistance de leur part. Ceux-ci se plaignirent à la convention des violences exercées contre eux. Rewbell, chargé de présenter un rapport à cet égard, ne leur fut point favorable. « Où la tyrannie s’est-elle organisée ? dit-il : aux Jacobins. Où a-t-elle eu ses suppôts et ses satellites ? aux Jacobins. Qui a couvert la France de deuil, porté le désespoir dans les familles, peuplé la république de bastilles, rendu le régime républicain si odieux, qu’un esclave, courbé sous le poids de ses fers, eût refusé d’y vivre ? les Jacobins. Qui regrette le régime affreux sous lequel nous avons vécu ? les Jacobins. Si vous n’avez pas le courage de vous prononcer dans ce moment, vous n’avez plus de république, parce que vous avez des Jacobins. » La convention les suspendit provisoirement pour les épurer et les réorganiser. On n’osait pas les détruire tout d’un coup. Les Jacobins, méconnaissant ce décret, se réunirent en armes dans le lieu de leurs séances ; la troupe thermidorienne qui les y avait déjà assiégés vint les assaillir. Elle entoura le club en poussant le cri de Vive la convention ! à bas les Jacobins ! Ceux-ci se préparèrent à la défense ; ils quittèrent leurs sièges en criant Vive la république ! ils s’emparèrent des portes, et tentèrent une sortie. Ils firent d’abord quelques prisonniers ; mais bientôt, succombant sous le nombre, ils cédèrent la place, traversèrent les rangs des vainqueurs, qui, après les avoir désarmés, les couvrirent d’humiliations, de huées et même de coups. Ces expéditions illégales se faisaient avec tous les excès qui accompagnent les luttes des partis.

Les commissaires de la convention vinrent le lendemain fermer le club, mettre les scellés sur les registres et sur les papiers, et dès ce moment la société des Jacobins n’exista plus. Cette corporation populaire avait puissamment servi la révolution, lorsqu’il avait fallu, pour repousser l’Europe, placer le gouvernement dans la multitude, et donner à la république toute l’énergie de la défense ; mais aujourd’hui elle ne pou-