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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

Mais les variations politiques de Barrère, qui était noble et qui avait été royaliste feuillant avant le 10 août, ne lui permettaient point ce ton d’inflexibilité et de commandement. « Quel est donc, dit Merlin de Thionville, ce président des Feuillants qui prétend nous faire la loi ? » La salle retentit d’applaudissements. Barrère se troubla, quitta la tribune, et ce premier échec des comités signala leur décadence dans la convention. Le tribunal révolutionnaire continua d’exister, mais avec d’autres membres, une autre organisation. On abolit la loi du 22 prairial ; on mit autant de lenteur, de formes protectrices et de modération dans les jugements, qu’on y avait mis de précipitation et d’inhumanité. Ce tribunal ne servit plus contre les anciens suspects, qu’on retint quelque temps encore dans les prisons, en y adoucissant leur sort, et qu’on rendit peu à peu à la liberté, en suivant la méthode que Camille-Desmoulins avait proposée par le comité de clémence.

Le 13 thermidor, on s’occupa du gouvernement lui-même. Il manquait beaucoup de membres au comité de salut public. Hérault de Séchelles n’avait jamais été remplacé ; Jean-Bon-Saint-André et Prieur de la Marne étaient en mission ; Robespierre, Couthon, Saint-Just, venaient de périr. On nomma à leur place Tallien, Bréard, Eschasseriaux, Treilhard, Thuriot, Laloi, qui, en entrant dans le comité, y affaiblirent l’influence des anciens membres. En même temps on réorganisa les deux comités, qu’on rendit plus dépendants de l’assemblée et plus indépendants l’un de l’autre. Celui de salut public fut chargé des opérations militaires et diplomatiques, et celui de sûreté générale eut dans ses attributions la grande police. Comme on voulait, en restreignant le pouvoir révolutionnaire, calmer la fièvre qui l’avait exalté et licencier peu à peu la multitude, on réduisit les assemblées journalières de sections à une seule pendant la décade, et l’on supprima la solde de quarante sous par jour accordée aux citoyens indigents qui y assistaient.

Ces premières mesures prises et exécutées, le 11 fructidor, un mois après la chute de Robespierre, Lecointre de Versailles