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CONVENTION NATIONALE.

tribune. Aussitôt le cri de : À bas le tyran ! à bas le tyran ! se fait entendre et l’empêche de parler.

« Je demandais tout à l’heure, dit alors Tallien, qu’on déchirât le voile. J’aperçois avec plaisir qu’il l’est entièrement ; les conspirateurs sont démasqués, ils seront bientôt anéantis, et la liberté triomphera ! J’ai vu hier la séance des Jacobins ; j’ai frémi pour la patrie ! J’ai vu se former l’armée du nouveau Cromwell, et je me suis armé d’un poignard pour lui percer le sein, si la convention nationale n’avait pas la force de le décréter d’accusation ! » Il sort son poignard, l’agite devant la convention indignée, demande avant tout l’arrestation de Henriot, la permanence de l’assemblée, et obtient l’une et l’autre au milieu des cris de Vive la république ! Billaud fait décréter aussi d’arrestation trois des plus audacieux complices de Robespierre, Dumas, Boulanger, Dufrèse. Barrère fait placer la convention sous la garde des sections armées ; il rédige une proclamation qui doit être adressée au peuple. Chacun propose une mesure de précaution. Vadier détourne un moment l’attention de l’assemblée des dangers qui la menacent, pour la porter de nouveau sur l’affaire de Catherine Théos. « Ne détournons pas la question de son véritable point, dit Tallien. — Je saurai l’y ramener, crie Robespierre. — Occupons-nous du tyran, » réplique Tallien, et il l’attaque de nouveau plus vivement encore.

Robespierre, qui avait plusieurs fois essayé de parler, qui montait et descendait l’escalier de la tribune, dont la voix était toujours couverte par les cris à bas le tyran ! et par la sonnette que le président Thuriot agitait sans interruption, Robespierre fait un dernier effort dans un moment de silence. « Pour la dernière fois, crie-t-il, me donneras-tu la parole, président d’assassins ? » Mais Thuriot continue d’agiter sa sonnette. Robespierre, après avoir tourné ses regards vers les tribunes qui restent immobiles, se dirige vers la droite. « Hommes purs, hommes vertueux, leur dit-il, c’est à vous que j’ai recours ; accordez-moi la parole que les assassins me refusent. » Point de réponse, et le plus grand silence. Alors