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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

« Je ne suis, dit-il, d’aucune faction ; je les combattrai toutes. Le cours des choses a voulu que cette tribune fût peut-être la roche tarpéienne pour celui qui viendrait vous dire que des membres du gouvernement ont quitté la route de la sagesse ! » Aussitôt Tallien interrompt violemment Saint-Just et s’écrie : « Aucun bon citoyen ne peut retenir ses larmes sur le sort malheureux auquel la chose publique est abandonnée. Partout on ne voit que division. Hier un membre du gouvernement s’en est isolé pour l’accuser. Aujourd’hui, un autre fait la même chose. On veut encore s’attaquer, aggraver les maux de la patrie, la précipiter dans l’abîme. Je demande que le rideau soit entièrement déchiré ! » Il le faut ! il le faut ! s’écria-t-on de toutes parts.

Billaud-Varennes prit alors la parole de sa place. « Hier, dit-il, la société des Jacobins était remplie d’hommes apostés, puisque aucun n’avait de carte ; hier, on a développé dans cette société l’intention d’égorger la convention nationale ; hier, j’ai vu des hommes qui vomissaient les infamies les plus atroces contre ceux qui n’ont jamais dévié de la révolution. Je vois sur la Montagne un de ces hommes qui menaçaient les représentants du peuple ; le voilà !... » Qu’on l’arrête ! qu’on l’arrête ! s’écria-t-on. Les huissiers s’en emparèrent et le conduisirent au comité de sûreté générale. « Le moment de dire la vérité, poursuivit Billaud, est arrivé. L’assemblée jugerait mal les événements et la position dans laquelle elle se trouve, si elle se dissimulait qu’elle est entre deux égorgements. Elle périra, si elle est faible. » Non, non, elle ne périra pas, répondent tous les membres en se levant. Ils jurent de sauver la république ; les tribunes applaudissent et crient : Vive la convention nationale ! Le fougueux Lebas demande la parole pour défendre les triumvirs ; on la lui refuse, et Billaud continue. Il avertit la convention de ses dangers, il attaque Robespierre, désigne ses complices, dénonce sa conduite et ses plans de dictature. Tous les regards sont tournés sur lui. Il les soutient longtemps dans une attitude ferme ; mais enfin il ne peut plus se contenir, et il s’élance à la