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CONVENTION NATIONALE.

était de frapper fort et vite. Osez, disait-il, voilà tout le secret des révolutions. Mais il voulait déterminer Robespierre à un coup d’audace qui n’était pas possible, en l’engageant à atteindre ses ennemis sans les prévenir. La force dont il disposait était une force révolutionnaire et d’opinion, et non pas une force organisée. Il fallait qu’il s’aidât de la convention ou de la commune, de l’autorité légale du gouvernement ou de l’autorité extraordinaire de l’insurrection. Tels étaient les usages, et tels devaient être les coups d’état. On ne pouvait même recourir à l’insurrection qu’après avoir essuyé le refus de l’assemblée, sinon le prétexte manquait au soulèvement. Robespierre fut donc contraint de livrer d’abord l’attaque dans la convention elle-même. Il espéra tout obtenir d’elle par son ascendant, ou si, contre son ordinaire, elle résistait, il compta que le peuple, provoqué par la commune, s’insurgerait le 9 thermidor contre les proscrits de la Montagne et le comité de salut public, comme il s’était insurgé le 31 mai contre les proscrits de la Gironde et la commission des Douze. C’est presque toujours sur le passé qu’on règle sa conduite et ses espérances.

Le 8 thermidor, il arrive de bonne heure dans la convention. Il monte à la tribune et dénonce les comités par un discours fort adroit. « Je viens défendre devant vous, dit-il, votre autorité outragée et la liberté violée. Je me défendrai aussi moi-même, vous n’en serez point surpris ; vous ne ressemblez point aux tyrans que vous combattez. Les cris de l’innocence outragée n’importunent point votre oreille, et vous n’ignorez pas que cette cause ne vous est point étrangère. » Après ce début, il se plaint de ses calomniateurs ; il attaque ceux qui veulent perdre la république par les excès ou par la modération, ceux qui persécutent les citoyens pacifiques, et il désigne par là les comités ; ceux qui persécutent les vrais patriotes, et il désigne par là les Montagnards. Il s’associe aux desseins, à la conduite passée et à l’esprit de la convention. Il ajoute que ses ennemis sont les siens. « Eh ! que suis-je pour mériter les persécutions, si elles n’entraient