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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

ront jusqu’à ce que l’espérance ait été ravie au crime. Il faut étouffer les ennemis intérieurs et extérieurs de la république, ou périr avec elle. Or, dans cette situation, la première maxime de votre politique doit être que l’on conduit le peuple par la raison et les ennemis du peuple par la terreur. Si le ressort du gouvernement populaire, dans la paix, est la vertu, le ressort du gouvernement populaire, en révolution, est à la fois la vertu et la terreur ; la vertu sans laquelle la terreur est funeste, la terreur sans laquelle la vertu est impuissante. Domptez donc par la terreur les ennemis de la liberté, et vous aurez raison comme fondateurs de la république. Le gouvernement de la révolution est le despotisme de la liberté contre la tyrannie. »

Dans ce discours, il dénonça les deux factions des modérés et des ultra-révolutionnaires, comme voulant, l’une et l’autre perdre la république. « Elles marchent, dit-il, sous des bannières différentes et par des routes diverses ; mais elles marchent vers le même but : ce but est la désorganisation du gouvernement populaire, la ruine de la convention et le triomphe de la tyrannie. L’une de ces deux factions nous pousse à la faiblesse, l’autre aux excès. » Il prépara les esprits à leur proscription, et son discours, approuvé sans discussion, fut envoyé à toutes les sociétés populaires, à toutes les autorités et à toutes les armées.

Après ce commencement d’hostilités, Danton, qui n’avait pas cessé ses relations avec Robespierre, lui demanda une entrevue ; elle eut lieu chez Robespierre même ; mais ils furent froids, aigres. Danton se plaignit violemment, et Robespierre se tint sur la réserve. « Je connais, lui dit Danton, toute la haine que me porte le comité ; mais je ne la redoute pas. — Vous avez tort, répondit Robespierre : il n’y a pas de mauvaises intentions contre vous ; mais il est bon de s’expliquer. — S’expliquer ! s’expliquer ! répliqua Danton, pour cela il faudrait de la bonne foi. » Et voyant Robespierre prendre l’air sombre à ces mots : « Sans doute, ajouta-t-il, il faut comprimer les royalistes, mais nous ne devons frapper que