Page:Mignet - Histoire de la Révolution française, 1838.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
INTRODUCTION.

de banqueroute. Ce ministre a été le plus décrié, parce qu’il est venu le dernier. Héritier des fautes et des embarras du passé, il eut à lutter contre les difficultés de sa position avec des moyens trop faibles. Il essaya de l’intrigue, de l’oppression ; il exila le parlement, le suspendit, le désorganisa : tout lui fut obstacle, rien ne lui fut secours. Après s’être longtemps débattu, il tomba de lassitude et de faiblesse, je n’ose pas dire d’impéritie ; car eût-il été bien plus fort et bien plus habile, eût-il été Richelieu ou Sully, il fût tombé de même. Il n’appartenait plus à personne d’obtenir de l’argent ou d’opprimer. Il faut dire à sa décharge que la position dont il ne sut pas se tirer, il ne l’avait pas faite ; il n’eut que la présomption de l’accepter. Il périt par les fautes de Calonne, comme Calonne avait profité, pour ses dilapidations, de la confiance inspirée par Necker. L’un avait détruit le crédit, et l’autre, en voulant le rétablir par la force, détruisit l’autorité.

Les états-généraux étaient devenus le seul moyen de gouvernement et la dernière ressource du trône. Ils avaient été demandés à l’envi par le parlement et les pairs du royaume, le 15 juillet 1787 ; par les états du Dauphiné dans l’assemblée de Vizille ; par le clergé dans son assemblée de Paris. Les états provinciaux y avaient préparé les esprits ; les notables en étaient les avant-coureurs. Le roi, après en avoir promis, le 18 décembre 1787, la convocation dans cinq ans, en fixa, le 8 août 1788, l’ouverture au 1er mai 1789. Necker fut rappelé, le parlement rétabli, la cour plénière abolie, les bailliages détruits, les provinces satisfaites ; et le nouveau ministre disposa tout pour l’élection des députés et pour la tenue des états.

Il s’opéra à cette époque un grand changement dans l’opposition, qui jusque là avait été unanime. Le ministère avait essuyé sous Brienne la résistance de tous les corps de l’état, parce qu’il avait voulu les opprimer. Il essuya sous Necker la résistance de ces mêmes corps, qui voulaient le pouvoir pour eux et l’oppression pour le peuple. De despotique, il était devenu national, et il les eut également contre lui. Le parlement avait soutenu une lutte d’autorité et non de bien public ;