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CONVENTION NATIONALE.

les périls croissants de la république, et qui fit établir, sous le nom de gouvernement révolutionnaire, au lieu de la liberté légale, le despotisme de la multitude. Robespierre et Marat allaient encore beaucoup plus loin que lui, et ils voulaient ériger en gouvernement durable ce que Danton ne considérait que comme transitoire. Celui-ci n’était qu’un chef politique, tandis que les autres étaient de véritables sectaires, le premier plus ambitieux, le second plus fanatique.

Les Montagnards, par la catastrophe du 21 janvier, avaient remporté une grande victoire sur les Girondins, qui avaient une politique beaucoup plus morale que la leur, et qui aspiraient à sauver la révolution sans l’ensanglanter. Mais leur humanité, leur esprit de justice, ne leur servirent de rien, et tournèrent contre eux. On les accusa d’être ennemis du peuple, parce qu’ils tonnèrent contre ses excès ; d’être complices du tyran, parce qu’ils avaient voulu sauver Louis XVI ; et de trahir la république, parce qu’ils recommandaient la modération. Ce fut avec ces reproches que les Montagnards, depuis le 21 janvier jusqu’au 31 mai et au 2 juin, les poursuivirent avec la plus constante animosité dans le sein de la convention. Les Girondins furent longtemps soutenus par le centre, qui se rangeait avec la droite contre les meurtres et l’anarchie, avec la gauche pour les mesures de salut public. Cette masse, qui formait, à proprement parler, l’esprit de la convention, montra quelque courage, et balança la puissance de la Montagne et de la commune, tant qu’elle eut au milieu d’elle ces Girondins intrépides et éloquents, qui emportèrent dans leur prison et sur l’échafaud toute la fermeté et toutes les résolutions généreuses de l’assemblée.

Il y eut un moment d’accord entre les divers partis de l’assemblée. Lepelletier Saint-Fargeau fut poignardé par un ancien garde-du-corps nommé Pâris, comme ayant voté la mort de Louis XVI. Les conventionnels, réunis par le danger commun, jurèrent sur sa tombe d’oublier leurs inimitiés, mais ils y revinrent bientôt. On poursuivit à Meaux quelques-uns des meurtriers de septembre, dont les républicains honorables