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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

il se présenta plusieurs fois, et ne put jamais pénétrer jusqu’à lui. Louis le demanda souvent, et fut affligé de ne pas le revoir. Il reçut sans trouble l’annonce de sa sentence que vint lui signifier le ministre de la justice. Il demanda trois jours pour paraître devant Dieu ; il demanda en outre d’être assisté d’un prêtre qu’il désigna, et de communiquer librement avec sa femme et ses enfants. Ces deux dernières demandes lui furent seules accordées.

Le moment de l’entrevue fut déchirant pour cette famille désolée : celui de la séparation le fut encore bien davantage. Louis, en la quittant, promit de la revoir le lendemain ; mais, rentré dans sa chambre, il sentit que cette épreuve était trop forte, et, se promenant à grands pas, il disait : Je n’irai point. Ce fut son dernier combat : il ne pensa plus qu’à se préparer à la mort. La nuit qui précéda son supplice, il eut un sommeil paisible. Réveillé à cinq heures par Cléry, auquel il en avait donné l’ordre, il fit ses suprêmes dispositions. Il communia, chargea Cléry de ses dernières paroles, et de tout ce qu’il lui était permis de léguer, un anneau, un cachet, quelques cheveux. Déjà les tambours roulaient, un bruit sourd de canons traînés et de voix confuses se faisait entendre. Enfin Santerre arriva. Vous venez me chercher, dit Louis, je vous demande une minute. Il remit son testament à un officier municipal, demanda son chapeau, et dit d’une voix ferme : Partons !

La voiture mit une heure pour arriver du Temple à la place de la Révolution. Une double haie de soldats bordait la route, plus de quarante mille hommes étaient sous les armes ; Paris était morne. Parmi les citoyens qui assistaient à l’exécution, il n’y eut ni approbation, ni regrets apparents : tous furent silencieux. Arrivé sur le lieu du supplice, Louis descendit de voiture. Il monta d’un pas ferme les degrés de l’échafaud, reçut à genoux la bénédiction du prêtre, qui lui dit alors, à ce qu’on assure : Fils de saint Louis, montez au ciel ! Il se laissa lier les mains, quoique avec répugnance ; et, se portant vivement sur la gauche de l’échafaud :