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CONVENTION NATIONALE.

parvenir à leurs fins qu’en dominant, et ils ne pouvaient obtenir la domination qu’en prolongeant l’état révolutionnaire de la France. Outre ce besoin d’empêcher l’établissement de l’ordre légal par un coup d’état terrible, comme la condamnation de Louis XVI, qui ébranlât toutes les passions, qui ralliât à eux les partis violents, en les montrant les inflexibles gardiens de la république, ils espéraient faire éclater les sentiments des Girondins, qui ne cachaient pas leur désir de sauver Louis XVI, et les perdre ainsi auprès de la multitude. Il y eut, à ne pas en douter, un grand nombre de Montagnards qui, dans cette circonstance, agirent de la meilleure foi et uniquement en républicains, aux yeux desquels Louis XVI paraissait coupable à l’égard de la révolution : et un roi détrôné était dangereux pour une démocratie naissante. Mais ce parti se fût montré plus clément, s’il n’avait pas eu à perdre la Gironde en même temps que Louis XVI.

Depuis quelque temps on disposait au dehors les esprits à son jugement. Le club des Jacobins retentissait d’invectives contre lui : on répandait les bruits les plus injurieux sur son caractère ; on demandait sa condamnation pour l’affermissement de la liberté. Les sociétés populaires des départements écrivaient des adresses à la convention dans le même sens : les sections se présentaient à la barre de l’assemblée, et l’on faisait défiler dans son sein, sur des brancards, des hommes blessés au 10 août, et qui venaient crier vengeance contre Louis Capet. On ne désignait plus Louis XVI que par ce nom de l’ancien chef de sa race, croyant avoir remplacé son titre de roi par son nom de famille.

Les motifs de parti et les animosités populaires se réunissaient contre ce malheureux prince. Ceux qui, deux mois auparavant, auraient repoussé l’idée de lui faire subir une autre peine que celle de la déchéance, étaient plongés dans la stupeur : tant on perd vite, en temps de crise, le droit de défendre son opinion ! La découverte de l’armoire de fer redoubla surtout le fanatisme de la multitude et l’impuissance des défenseurs du roi. Après le 10 août, on avait trouvé, dans les