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CONVENTION NATIONALE.

Lanjuinais combattit l’ordre du jour, sans que la discussion fût reprise. Les Girondins eux-mêmes l’appuyèrent ; ils commirent une faute en entamant l’accusation et une autre en ne la soutenant point. Les Montagnards l’emportèrent, puisqu’ils ne furent point vaincus, et Robespierre fut rapproché du rôle dont il était si éloigné. On est bientôt, en révolution, ce qu’on est cru être ; et le parti montagnard le prit pour son chef, parce que les Girondins le poursuivirent comme tel.

Mais ce qui était plus important encore que les attaques personnelles, c’étaient les discussions sur les moyens de gouvernement et sur la conduite des autorités et des partis. Les Girondins échouèrent non seulement contre les individus, mais contre la commune. Aucune de leurs mesures ne réussit ; elles furent mal proposées ou mal soutenues. Ils auraient dû renforcer le gouvernement, remplacer la municipalité, se maintenir aux Jacobins et les dominer, gagner la multitude ou prévenir son action ; et ils ne firent rien de tout cela. Un d’entre eux, Buzot, proposa de donner à la convention une garde de trois mille hommes tirés des départements. Ce moyen, qui devait au moins maintenir l’assemblée indépendante, ne fut pas assez vivement soutenu pour être adopté. Ainsi, les Girondins attaquèrent les Montagnards, sans les avoir affaiblis ; la commune, sans la soumettre ; les faubourgs, sans les annuler. Ils irritèrent Paris, en invoquant l’assistance des départements, sans toutefois se la donner, agissant ainsi contre les règles de la prudence la plus commune ; car il est plus sûr de faire une chose que d’en menacer.

Leurs adversaires profitèrent habilement de cette circonstance. Ils répandirent sourdement une opinion qui ne pouvait que compromettre les Girondins ; c’est qu’ils voulaient transporter la république dans le Midi, et abandonner le reste de l’empire. Alors commença ce reproche de fédéralisme si fatal depuis. Les Girondins le dédaignèrent, parce qu’ils n’en prévirent pas les dangers ; mais il devait s’accréditer à mesure qu’ils deviendraient plus faibles, et leurs ennemis plus audacieux. Ce qui y avait donné lieu, était le projet de se défendre