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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

vainqueurs de la coalition, cette victoire sera encore une défaite pour vous ; car elle vous aura coûté des milliers de braves, tandis que les royalistes, plus nombreux que vous, n’auront rien perdu de leur force et de leur influence. Mon avis est que, pour déconcerter leurs mesures et arrêter l’ennemi, il faut faire peur aux royalistes. » Le comité, qui comprit le sens de ces terribles paroles, fut consterné. « Oui, vous dis-je, reprit Danton, il faut leur faire peur... » Et comme le comité repoussa, par son silence et par son effroi, cette proposition, Danton se concerta avec la commune : il voulait comprimer ses ennemis par la terreur, engager de plus en plus la multitude, en la rendant sa complice, et ne laisser à la révolution d’autre refuge que la victoire.

On fit des visites domiciliaires avec un morne et vaste appareil ; on incarcéra un grand nombre de personnes suspectes par leur état, leurs opinions ou leur conduite. Ces malheureux prisonniers furent choisis surtout dans les deux classes dissidentes du clergé et de la noblesse, qu’on accusait de conspiration sous la législative. Tous les citoyens en état de porter les armes furent enrégimentés au Champ-de-Mars, et partirent le 1er septembre pour la frontière. On battit la générale, on sonna le tocsin, on tira le canon ; et Danton se présentant à l’assemblée pour lui rendre compte des mesures prises pour sauver la patrie : « Le canon que vous entendez, dit-il, n’est point le canon d’alarme ; c’est le pas de charge sur nos ennemis. Pour les vaincre, pour les atterrer, que faut-il ? De l’audace, encore de l’audace, et toujours de l’audace. » La nouvelle de la prise de Verdun arriva dans la nuit du 1er au 2 septembre : la commune saisit cet instant, où Paris épouvanté crut voir déjà les ennemis à ses portes, pour exécuter ses épouvantables desseins. Le canon fut de nouveau tiré, le tocsin sonna, les barrières furent fermées, et les massacres commencèrent.

Les prisonniers, enfermés aux Carmes, à l’Abbaye, à la Conciergerie, à la Force, etc., furent égorgés pendant trois jours par une compagnie d’environ trois cents meurtriers, que diri-