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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

fut qu’une longue campagne de la révolution contre les partis et contre l’Europe. Il n’était guère possible qu’il en fût autrement. « Le mouvement révolutionnaire une fois établi, dit M. de Maistre[1], la France et la monarchie ne pouvaient être sauvées que par le jacobinisme... Nos neveux, qui s’embarrasseront très peu de nos souffrances, et qui danseront sur nos tombeaux, riront de notre ignorance actuelle ; ils se consoleront aisément des excès que nous avons vus et qui auront conservé l’intégrité du plus beau royaume. »

Les départements adhérèrent aux événements du 10 août. L’armée, qui subissait toujours un peu plus tard l’influence de la révolution, était encore royaliste constitutionnelle ; cependant, comme les troupes étaient subordonnées aux partis, elles devaient se soumettre facilement à l’opinion dominante. Les généraux en seconde ligne, tels que Dumouriez, Custine, Biron, Kellermann, Labourdonnaie, étaient disposés à approuver les derniers changements. Ils n’avaient pas encore pris parti, et ils espéraient que cette révolution leur vaudrait de l’avancement. Il n’en était pas de même des deux généraux en chef. Luckner flottait indécis entre l’insurrection du 10 août, qu’il appelait un petit accident arrivé à Paris, et son ami Lafayette. Ce dernier, chef du parti constitutionnel, attaché jusqu’au bout à ses serments, voulut défendre encore le trône renversé, et une constitution qui n’était plus. Il commandait environ trente mille hommes, qui étaient affectionnés à sa cause et sa personne. Son quartier-général se trouvait près de Sedan. Dans son projet de résistance en faveur de la constitution, il se concerta avec la municipalité de cette ville et le directoire du département des Ardennes, afin d’établir un centre civil auquel tous les départements pussent se rallier. Les trois commissaires, Kersaint, Antonelle, Péraldy, envoyés par la législative auprès de son armée, furent arrêtés et mis dans la tour de Sedan. Cette mesure eut pour motif, que l’assemblée ayant été violentée, les membres qui avaient ac-

  1. Considérations sur la France.