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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

chef de l’armée pour notre gloire, ou notre honte ? vous donna-t-elle enfin le droit de sanction, une liste civile et tant de prérogatives, pour perdre constitutionnellement la constitution et l’empire ? Non ! non ! homme que la générosité des Français n’a pu rendre sensible, que le seul amour du despotisme a pu toucher... vous n’êtes plus rien pour cette constitution que vous avez si indignement violée, pour le peuple que vous avez si indignement trahi ! »

Dans la position où se trouvait la Gironde, elle ne comptait plus que sur la déchéance du roi. Vergniaud, il est vrai, ne s’exprimait encore que d’une manière hypothétique : mais tout le parti populaire attribuait réellement à Louis XVI les projets qui, dans la bouche de Vergniaud, n’avaient été que des suppositions. Peu de jours après, Brissot s’exprima plus ouvertement : « Le péril où nous sommes, dit-il, est le plus extraordinaire qu’on ait encore vu dans les siècles passés. La patrie est en danger, non pas qu’elle manque de troupes, non pas que ses troupes soient peu courageuses, ses frontières peu fortifiées, ses ressources peu abondantes... Non. Elle est en danger, parce qu’on a paralysé ses forces. Et qui les paralysait ? un seul homme ; celui-là même que la constitution a fait son chef, et que des conseillers perfides faisaient son ennemi ! On vous dit de craindre les rois de Hongrie et de Prusse... et moi, je dis que la force principale de ces rois est à la cour, et que c’est là qu’il faut les vaincre d’abord. On vous dit de frapper sur des prêtres réfractaires par tout le royaume... et moi, je dis que frapper sur la cour des Tuileries, c’est frapper ces prêtres d’un seul coup. On vous dit de poursuivre tous les intrigants, tous les factieux, tous les conspirateurs... et moi, je dis que tous disparaissent, si vous frappez sur le cabinet des Tuileries ; car ce cabinet est le point où tous les fils aboutissent, où se trament toutes les manœuvres, d’où partent toutes les impulsions ! La nation est le jouet de ce cabinet. Voilà le secret de notre position, voilà la source du mal, voilà où il faut porter le remède. »

La Gironde préparait ainsi l’assemblée à la question de la