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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

manière dont l’avaient exécuté les généraux, qui tous, placés par Narbonne, étaient du parti constitutionnel. Les Jacobins accusaient, d’autre part, les contre-révolutionnaires d’avoir occasionné la déroute par des cris de sauve qui peut ! Leur joie, qu’ils ne cachaient pas, leur espérance de voir bientôt les confédérés à Paris, les émigrés de retour et l’ancien régime rétabli, confirmaient les soupçons. On crut que la cour, qui avait porté la garde soldée du roi de dix-huit cents hommes à six mille, et qui l’avait composée de contre-révolutionnaires choisis, était d’accord avec la coalition. On dénonça, sous le nom de comité autrichien, un comité secret, dont on ne put pas prouver l’existence. La défiance était à son comble.

L’assemblée prit sur-le-champ des mesures de parti : elle entrait dans la carrière de la guerre, et dès lors elle était condamnée à régler sa conduite beaucoup moins d’après la justice que d’après le salut public. Elle se mit en permanence ; elle licencia la garde soldée du roi ; le redoublement des troubles religieux lui fit porter un décret d’exil contre les prêtres réfractaires, afin de n’avoir pas en même temps à combattre une coalition et à apaiser des révoltes. Pour réparer les dernières défaites et avoir près de la capitale une armée de réserve, elle adopta, le 8 juin, sur la proposition du ministre de la guerre Servan, la formation sous Paris d’un camp de vingt mille hommes tirés des départements. Elle chercha également à exalter les esprits par des fêtes révolutionnaires, et elle commença à enrôler la multitude par un armement de piques, pensant que ce n’était pas trop de toutes les assistances dans un aussi grand danger.

Toutes ces mesures ne furent pas adoptées sans l’opposition des constitutionnels. Ils combattirent l’établissement du camp de vingt mille hommes, qu’ils considérèrent comme une armée de parti, appelée contre la garde nationale et contre le trône. L’état-major de celle-ci protesta, et la recomposition de ce corps fut aussitôt opérée au profit du parti dominant. On fit entrer dans la nouvelle garde nationale des compagnies armées de piques. Les constitutionnels furent encore plus mé-