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RÉVOLUTION FRANÇAISE.

il était déchu de ses droits à la régence. Mais l’accord cessa quant aux décrets contre les émigrés et contre les prêtres. Le 9 du mois de novembre, l’assemblée décida que les Français rassemblés au-delà des frontières étaient suspects de conjuration contre la patrie ; que si au 1er janvier 1792 ils étaient encore en état de rassemblement, ils seraient traités en conspirateurs, deviendraient punissables de mort, et qu’après leur condamnation par contumace, les revenus de leurs biens seraient perçus au profit de la nation, sans préjudice toutefois des droits de leurs femmes, de leurs enfants et de leurs créanciers légitimes. Le 29 du même mois, elle prit une décision à peu près semblable sur les ecclésiastiques réfractaires : ceux-ci furent tenus de prêter le serment civique, sous peine d’être privés de leurs pensions et d’être suspects de révolte contre la loi. S’ils le refusaient de nouveau, ils devaient être surveillés étroitement ; s’il survenait des troubles religieux dans leurs communes, ils devaient être traduits au chef-lieu du département, et s’ils y avaient pris part en prêchant la désobéissance, ils étaient passibles d’une détention.

Le roi sanctionna le premier décret concernant son frère ; il mit son veto sur les deux autres. Il avait désavoué l’émigration peu de temps auparavant par des démarches publiques, et il avait écrit aux princes émigrés pour les rappeler dans le royaume. Il les y avait invités, au nom de la tranquillité de la France, de l’attachement et de l’obéissance qu’ils lui devaient comme à leur frère et comme à leur roi. Il leur disait en finissant cette lettre : » Je vous saurai gré toute ma vie de m’avoir épargné la nécessité d’agir en opposition avec vous, par la résolution invariable où je suis de maintenir ce que j’ai annoncé. » Ses sages invitations n’avaient été suivies d’aucun résultat ; mais Louis XVI, tout en condamnant la conduite des émigrés, ne voulut pas donner son adhésion aux mesures prises contre eux. Il fut soutenu dans son refus de sanction par les constitutionnels et par le directoire du département. Cet appui ne lui fut pas inutile dans le moment où il paraissait, aux yeux du peuple, complice de l’émigration,